Annexe
: LES EFFETS DES RAYONNEMENTS SUR L'HOMME (RAPPELS GENERAUX).
1. Les unités
L'activité
(ou radioactivité) d'un corps mesure le nombre de
transformations nucléaires spontanées qui se produisent par
seconde en son sein, quelle que soit la nature du rayonnement émis
: noyau d'hélium (alpha), électron (bêta), électromagnétique
(gamma), neutron etc... On la mesure en Becquerels (1 Bq =
une transformation par seconde), unité bien adaptée à la mesure
des très faibles activités : le corps humain émet naturellement
100 Bq/kg environ (du fait des noyaux de K-40 et C-14 qu'il
contient). On utilisait autrefois le Curie (Ci) = 3.7 1010
Bq (activité de 1 gramme de Radium-226), mieux adapté pour la
mesure des très fortes activités : les rejets globaux de
Tchernobyl s'expriment en millions de curies ou en peta (1015)
ou exa (1018) becquerels).
La dose
désigne une quantité de rayonnement. Suivant l'application visée,
on distingue :
le Gray (Gy),
unité de dose absorbée, qui correspond à un transfert d'énergie
de 1 joule par kilogramme (c'est un unité du domaine de la
physique, mesurable, utilisée par exemple en radiothérapie ou pour
quantifier l'irradiation d'un organe donné), et le Sievert,
unité de dose efficace, conçu pour un usage réglementaire,
indicateur global du risque causé par une
irradiation. La dose efficace est calculée en tenant compte de la
nature des rayonnements et des tissus affectés. Les coefficients de
pondération, définis par la CIPR (Commission Internationale de
Protection Radiologique) sont périodiquement révisés selon les
progrès des connaissances. Le risque de cancer radio-induit
augmente avec la dose efficace, mais selon une loi de probabilité
mal connue et controversée, principalement pour les faibles doses
et les faibles débits de dose (dose délivrée par unité
de temps, exprimée en Sv/h ou mSv/h).
La notion de dose
peut concerner le corps entier ou un organe particulier. Ce sont
d'ailleurs les fortes doses à un organe qui ont causé la plupart
des cancers professionnels (du poumon pour les anciens mineurs, des
os pour des peintres de cadrans lumineux etc…). La source
d'irradiation peut être d'origine externe ou interne (en cas de
contamination, c'est à dire en cas d'absorption d'éléments
radioactifs). Dans ce dernier cas, la réglementation définit des limites
annuelles d'incorporation (L.A.I.). La L.A.I. pour un
isotope fait intervenir dans le calcul des doses tous les organes
dans lesquels l'isotope se répartit. Dans le cas de mélange
d'isotopes on considère les doses à tous les organes cibles
L'équivalent de dose
efficace est une grandeur
calculée qui vise, en cas d'exposition non homogène d'un individu,
à représenter l'exposition virtuelle homogène du corps entier (en
équivalent de dose) supposée entraîner le même risque. La somme
des doses efficaces reçues par chaque individu d'un groupe
s'appelle dose collective de ce groupe. Elle s'exprime en hommes-sieverts
(H.Sv). Compte tenu des incertitudes sur les effets des faibles
doses, c'est une notion qui peut mal rendre compte du risque global
réel d'une population soumise à des niveaux d'irradiation très
différents d'un individu à l'autre.
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2. Les effets
déterministes
Ces effets nocifs se
manifestent peu après l'irradiation (heures, jours, semaines) au
dessus d'un certain seuil de dose et leur gravité croît avec la
dose. Il peut ne s'agir que de brûlure locale si l'irradiation
est locale (la cataracte est un exemple d'effet déterministe).
L'irradiation du corps entier à forte dose
(> 0.5 Gy) entraîne un "syndrome d'irradiation
aiguë", scénario clinique caractérisé par un ensemble
d'effets déterministes affectant divers organes ou fonctions
organiques pouvant causer la mort. La dose dite létale (50% de
chances de survie en l’absence de soins) est de l'ordre de 4 à 6
Gy pour un homme adulte en bonne santé.
3. Les effets
stochastiques
Il s'agit ici
d'effets tardifs des rayonnements (leucémies, tumeurs) dont la
gravité est indépendante de la dose mais dont la probabilité
d'occurrence croît avec la dose. La relation entre la
probabilité et la dose, ainsi que l'existence (ou la non-existence)
d'un seuil fait l'objet de nombreuses recherches.
Pour la prévention
et les études d'optimisation de la radioprotection, la CIPR
recommande d'adopter une loi de probabilité "linéaire",
dont la "pente" est tirée de l'analyse de la mortalité
des survivants d'Hiroshima et Nagasaki (cohorte dite [H,N]) : 100
leucémies et 400 cancers solides supplémentaires (par rapport à
une population équivalente non exposée) apparus dans les 50
années suivantes sur une population suivie de
86 500 personnes. D'où, après une correction d'un facteur 2 pour
tenir compte de l'effet majorant dû à la brièveté de
l'irradiation lors des deux explosions atomiques, la valeur retenue
de 0.05 cancer induit par Sievert, même dans les cas courants
d'irradiation à de faibles débits de dose. Ainsi apparaîtrait
statistiquement un cancer d'origine professionnelle parmi 50
employés recevant pendant 20 ans la dose limite annuelle autorisée
de 20 mSv.
Mais cette relation
linéaire est fortement contestée par de nombreux scientifiques en
tant que modèle prédictif dans le domaine des "faibles
doses" (moins de 100 ou 150 mSv). Plusieurs raisons sont
avancées :
- Première raison
: aucune étude épidémiologique n'a pu mettre en évidence
l'existence d'un effet de l'irradiation naturelle malgré ses
assez grandes variations d'un point à l'autre du globe (voir le
tableau du § 5). Malheureusement les autres causes possibles
d'induction de cancer liés au mode de vie (alimentation, alcool,
tabac, etc.) masquent le phénomène recherché, s'il existe, et
l'importance des écarts statistiques n'a jamais permis de
conclure de manière sûre. De même, l'excès de leucémies et de
cancers constaté dans la cohorte [H, N] concerne les survivants
les plus exposés situés à moins de 3 km des "points
zéro", non les moins exposés situés au delà.
- Deuxième raison
plus intuitive : une telle "loi" ne s'applique pas dans
les situations courantes, par exemple pour les médicaments. La
plupart d'entre eux sont des poisons à forte dose : si, par
exemple, vingt cachets d'aspirine en une seule prise sont mortels,
l'administration d'un seul cachet à vingt personnes différentes
ne provoque aucun décès, pas plus que la prise d'un cachet par
jour pendant vingt jours par la même personne, sauf rare
contre-indication.
- Troisième raison
: les études de cancérogénèse les plus récentes suggèrent
l'existence de mécanismes d'induction à plusieurs étages : si
les défauts créés par les rayonnements sur les gènes sont bien
proportionnels à la dose, des mécanismes de réparation très
complexes interviennent, impliquant toutes les populations
cellulaires et les macromolécules conjonctives du tissu irradié
ainsi que les cellules sanguines qui participent à sa défense.
Cette défense fait intervenir de très nombreux gènes, ce qui
n'est pas compatible avec l'extrapolation à l'induction du tissu
cancéreux des défauts créés par l'irradiation sur un ou
quelques gènes d'une unique cellule irradiée.
Déjà, en 1989 et
1995, l'Académie des Sciences française avait contesté la baisse
de 5 à 1mSv/an de la "norme population" recommandée par
la CIPR et reprise par une directive européenne et à laquelle la
France ne pouvait que souscrire.
En janvier 2000, le
président de la CIPR, mettant en balance les risques dus à
l'irradiation des populations de l'ex-URSS et les autres
conséquences sanitaires et sociales des évacuations, proposait
d'ailleurs de revoir à l'avenir dans un sens moins restrictif les
diverses normes actuelles.
En conclusion il
apparaît déraisonnable, dans le cas de faibles doses intéressant
de très nombreuses personnes, d'évaluer un nombre de cancers
radio-induits en multipliant la dose collective de la population
exprimée en H.Sv par le coefficient 0.05 indiqué ci-dessus.
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4. Les effets
héréditaires
Il convient de
distinguer les effets tératogènes qui concernent le développement
du fœtus et les effets mutagènes qui résultent de l'exposition
des cellules germinales :
les effets
tératogènes sont des malformations qui surviennent en cas
d'exposition importante de la mère pendant la grossesse. Ils
ont été observés chez les enfants irradiés in utero par les
explosions d'Hiroshima et Nagasaki et concernent uniquement le
développement de la boîte crânienne et du cerveau,
- les effets mutagènes proviennent d'une lésion au niveau des
chromosomes ou des gènes des parents. Les deux explosions
ci-dessus n'ont mis en évidence aucune augmentation des
malformations des descendants des personnes irradiées. Il en
est de même dans des populations vivant depuis des siècles
dans des zones soumises à une forte irradiation naturelle.
5. Les
principes et normes de radioprotection.
Ils sont définis par
la CIPR et retranscrits dans le droit communautaire puis dans le
droit français. La dernière révision date de 1991 (CIPR 60), la
directive Euratom de 1996 et le décret du 8/3/2001.
Le système de protection radiologique est basé sur trois
principes:
- justification (des
avantages doivent largement compenser les inconvénients)
- optimisation
(les doses doivent être "aussi basses que raisonnablement
possible" - ALARA)
- limitation
(les doses individuelles doivent être inférieures à certaines
valeurs-limites)
Ces limites,
applicables aux irradiations résultant des activités humaines,
sont les suivantes :
- pour les
travailleurs : 100 mSv sur cinq années consécutives sans
dépasser 50 mSv sur douze mois, soit en moyenne 20 mSv/an.
- pour le public : 1 mSv/an. (exceptionnellement davantage si la
moyenne sur 5 ans ne dépasse pas 1 mSv)
Toutefois, en cas
d'accident entraînant une contamination importante de
l'environnement, le critère d'évacuation de la population est
beaucoup moins contraignant. Aucune évacuation n'est organisée au
dessous d'un risque d'irradiation de 50 mSv.
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6. Expositions
courantes au rayonnement
Le tableau
ci-dessous, tiré des rapports de l'UNSCEAR et de l'Académie des
Sciences résume les différentes sources d'exposition pour l'homme
et les intensités correspondantes (source : Société Française de
Radioprotection).