L'accident de Tchernobyl
Le Dossier 15 ANS Après

GR21

  mai 2001
Groupe de Réflexion Énergie  
Environnement au 21ème siècle                                                                                                                       

Annexe : LES EFFETS DES RAYONNEMENTS SUR L'HOMME (RAPPELS GENERAUX).

1. Les unités

L'activité (ou radioactivité) d'un corps mesure le nombre de transformations nucléaires spontanées qui se produisent par seconde en son sein, quelle que soit la nature du rayonnement émis : noyau d'hélium (alpha), électron (bêta), électromagnétique (gamma), neutron etc... On la mesure en Becquerels (1 Bq = une transformation par seconde), unité bien adaptée à la mesure des très faibles activités : le corps humain émet naturellement 100 Bq/kg environ (du fait des noyaux de K-40 et C-14 qu'il contient). On utilisait autrefois le Curie (Ci) = 3.7 1010 Bq (activité de 1 gramme de Radium-226), mieux adapté pour la mesure des très fortes activités : les rejets globaux de Tchernobyl s'expriment en millions de curies ou en peta (1015) ou exa (1018) becquerels).

La dose désigne une quantité de rayonnement. Suivant l'application visée, on distingue :

le Gray (Gy), unité de dose absorbée, qui correspond à un transfert d'énergie de 1 joule par kilogramme (c'est un unité du domaine de la physique, mesurable, utilisée par exemple en radiothérapie ou pour quantifier l'irradiation d'un organe donné), et le Sievert, unité de dose efficace, conçu pour un usage réglementaire, indicateur global du risque causé par une irradiation. La dose efficace est calculée en tenant compte de la nature des rayonnements et des tissus affectés. Les coefficients de pondération, définis par la CIPR (Commission Internationale de Protection Radiologique) sont périodiquement révisés selon les progrès des connaissances. Le risque de cancer radio-induit augmente avec la dose efficace, mais selon une loi de probabilité mal connue et controversée, principalement pour les faibles doses et les faibles débits de dose (dose délivrée par unité de temps, exprimée en Sv/h ou mSv/h).

La notion de dose peut concerner le corps entier ou un organe particulier. Ce sont d'ailleurs les fortes doses à un organe qui ont causé la plupart des cancers professionnels (du poumon pour les anciens mineurs, des os pour des peintres de cadrans lumineux etc…). La source d'irradiation peut être d'origine externe ou interne (en cas de contamination, c'est à dire en cas d'absorption d'éléments radioactifs). Dans ce dernier cas, la réglementation définit des limites annuelles d'incorporation (L.A.I.). La L.A.I. pour un isotope fait intervenir dans le calcul des doses tous les organes dans lesquels l'isotope se répartit. Dans le cas de mélange d'isotopes on considère les doses à tous les organes cibles

L'équivalent de dose efficace est une grandeur calculée qui vise, en cas d'exposition non homogène d'un individu, à représenter l'exposition virtuelle homogène du corps entier (en équivalent de dose) supposée entraîner le même risque. La somme des doses efficaces reçues par chaque individu d'un groupe s'appelle dose collective de ce groupe. Elle s'exprime en hommes-sieverts (H.Sv). Compte tenu des incertitudes sur les effets des faibles doses, c'est une notion qui peut mal rendre compte du risque global réel d'une population soumise à des niveaux d'irradiation très différents d'un individu à l'autre.

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  2. Les effets déterministes

Ces effets nocifs se manifestent peu après l'irradiation (heures, jours, semaines) au dessus d'un certain seuil de dose et leur gravité croît avec la dose. Il peut ne s'agir que de brûlure locale si l'irradiation est locale (la cataracte est un exemple d'effet déterministe). L'irradiation du corps entier à forte dose
(> 0.5 Gy) entraîne un "syndrome d'irradiation aiguë", scénario clinique caractérisé par un ensemble d'effets déterministes affectant divers organes ou fonctions organiques pouvant causer la mort. La dose dite létale (50% de chances de survie en l’absence de soins) est de l'ordre de 4 à 6 Gy pour un homme adulte en bonne santé.

3. Les effets stochastiques

Il s'agit ici d'effets tardifs des rayonnements (leucémies, tumeurs) dont la gravité est indépendante de la dose mais dont la probabilité d'occurrence croît avec la dose. La relation entre la probabilité et la dose, ainsi que l'existence (ou la non-existence) d'un seuil fait l'objet de nombreuses recherches.

Pour la prévention et les études d'optimisation de la radioprotection, la CIPR recommande d'adopter une loi de probabilité "linéaire", dont la "pente" est tirée de l'analyse de la mortalité des survivants d'Hiroshima et Nagasaki (cohorte dite [H,N]) : 100 leucémies et 400 cancers solides supplémentaires (par rapport à une population équivalente non exposée) apparus dans les 50 années suivantes sur une population suivie de
86 500 personnes. D'où, après une correction d'un facteur 2 pour tenir compte de l'effet majorant dû à la brièveté de l'irradiation lors des deux explosions atomiques, la valeur retenue de 0.05 cancer induit par Sievert, même dans les cas courants d'irradiation à de faibles débits de dose. Ainsi apparaîtrait statistiquement un cancer d'origine professionnelle parmi 50 employés recevant pendant 20 ans la dose limite annuelle autorisée de 20 mSv.

Mais cette relation linéaire est fortement contestée par de nombreux scientifiques en tant que modèle prédictif dans le domaine des "faibles doses" (moins de 100 ou 150 mSv). Plusieurs raisons sont avancées :

- Première raison : aucune étude épidémiologique n'a pu mettre en évidence l'existence d'un effet de l'irradiation naturelle malgré ses assez grandes variations d'un point à l'autre du globe (voir le tableau du § 5). Malheureusement les autres causes possibles d'induction de cancer liés au mode de vie (alimentation, alcool, tabac, etc.) masquent le phénomène recherché, s'il existe, et l'importance des écarts statistiques n'a jamais permis de conclure de manière sûre. De même, l'excès de leucémies et de cancers constaté dans la cohorte [H, N] concerne les survivants les plus exposés situés à moins de 3 km des "points zéro", non les moins exposés situés au delà.

- Deuxième raison plus intuitive : une telle "loi" ne s'applique pas dans les situations courantes, par exemple pour les médicaments. La plupart d'entre eux sont des poisons à forte dose : si, par exemple, vingt cachets d'aspirine en une seule prise sont mortels, l'administration d'un seul cachet à vingt personnes différentes ne provoque aucun décès, pas plus que la prise d'un cachet par jour pendant vingt jours par la même personne, sauf rare contre-indication.

- Troisième raison : les études de cancérogénèse les plus récentes suggèrent l'existence de mécanismes d'induction à plusieurs étages : si les défauts créés par les rayonnements sur les gènes sont bien proportionnels à la dose, des mécanismes de réparation très complexes interviennent, impliquant toutes les populations cellulaires et les macromolécules conjonctives du tissu irradié ainsi que les cellules sanguines qui participent à sa défense. Cette défense fait intervenir de très nombreux gènes, ce qui n'est pas compatible avec l'extrapolation à l'induction du tissu cancéreux des défauts créés par l'irradiation sur un ou quelques gènes d'une unique cellule irradiée.

Déjà, en 1989 et 1995, l'Académie des Sciences française avait contesté la baisse de 5 à 1mSv/an de la "norme population" recommandée par la CIPR et reprise par une directive européenne et à laquelle la France ne pouvait que souscrire.

En janvier 2000, le président de la CIPR, mettant en balance les risques dus à l'irradiation des populations de l'ex-URSS et les autres conséquences sanitaires et sociales des évacuations, proposait d'ailleurs de revoir à l'avenir dans un sens moins restrictif les diverses normes actuelles.

En conclusion il apparaît déraisonnable, dans le cas de faibles doses intéressant de très nombreuses personnes, d'évaluer un nombre de cancers radio-induits en multipliant la dose collective de la population exprimée en H.Sv par le coefficient 0.05 indiqué ci-dessus.

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  4. Les effets héréditaires

Il convient de distinguer les effets tératogènes qui concernent le développement du fœtus et les effets mutagènes qui résultent de l'exposition des cellules germinales :

les effets tératogènes sont des malformations qui surviennent en cas d'exposition importante de la mère pendant la grossesse. Ils ont été observés chez les enfants irradiés in utero par les explosions d'Hiroshima et Nagasaki et concernent uniquement le développement de la boîte crânienne et du cerveau,
- les effets mutagènes proviennent d'une lésion au niveau des chromosomes ou des gènes des parents. Les deux explosions ci-dessus n'ont mis en évidence aucune augmentation des malformations des descendants des personnes irradiées. Il en est de même dans des populations vivant depuis des siècles dans des zones soumises à une forte irradiation naturelle.

5. Les principes et normes de radioprotection.

Ils sont définis par la CIPR et retranscrits dans le droit communautaire puis dans le droit français. La dernière révision date de 1991 (CIPR 60), la directive Euratom de 1996 et le décret du 8/3/2001.
Le système de protection radiologique est basé sur trois principes:

- justification (des avantages doivent largement compenser les inconvénients)
- optimisation (les doses doivent être "aussi basses que raisonnablement possible" - ALARA)
- limitation (les doses individuelles doivent être inférieures à certaines valeurs-limites)

Ces limites, applicables aux irradiations résultant des activités humaines, sont les suivantes :

- pour les travailleurs : 100 mSv sur cinq années consécutives sans dépasser 50 mSv sur douze mois, soit en moyenne 20 mSv/an.
- pour le public : 1 mSv/an. (exceptionnellement davantage si la moyenne sur 5 ans ne dépasse pas 1 mSv)

Toutefois, en cas d'accident entraînant une contamination importante de l'environnement, le critère d'évacuation de la population est beaucoup moins contraignant. Aucune évacuation n'est organisée au dessous d'un risque d'irradiation de 50 mSv.

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  6. Expositions courantes au rayonnement

Le tableau ci-dessous, tiré des rapports de l'UNSCEAR et de l'Académie des Sciences résume les différentes sources d'exposition pour l'homme et les intensités correspondantes (source : Société Française de Radioprotection).

Valeurs

moyennes

Valeurs courantes

en France

Valeurs extrêmes

dans le monde

Radioactivité naturelle

Exposition externe naturelle

- origine cosmique (1)

- origine terrestre (2)

 

Exposition interne naturelle

- potassium 40 (3),C-14

- Plomb, Bismuth+Polonium (4)

- Radon et descendants (5)

Total

 

 

0,36

0,41

 

 

0,18

0,12

1,26

2,33

 

 

 

0,3 à 2

0,05 à 1,5

 

 

0,18

0,12

0,2 à 60

 

 

55 (cosmonautes)

175 (Brésil)

400 (Iran)

 

 

 

500 (Suède, France)

Radioactivité due aux activités humaines

- origine médicale (6)

- essais nucléaires aériens (7)

- industrie nucléaire (8)

Total

 

 

1

0,1

0,02

1,12

(1) augmente avec l'altitude (+0,3 mSv de 0 à 2000m)
(2) dépend de la nature du terrain (teneurs en uranium, thorium)
(3) La concentration en potassium, qui a une teneur fixe en K-40, est une constante biologique
(4) par voie alimentaire
(5) des locaux mal ventilés dans des zones granitiques peuvent conduire à des doses importantes et les Communautés Européennes recommandent de prendre des dispositions au dessus d'une concentration de 400 Bq/m3 qui n'est pas rare (et qui pourrait correspondre à une dose de 10 mSv en cas d'exposition 24h/24)
(6) pour les besoins du diagnostic uniquement
(7) cette irradiation diminue avec le temps depuis la fin des essais aériens
(8) hors situation accidentelle

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  7. Activités couramment rencontrées dans la nature

Référence : Pharmaciens et nucléaire, février 1995

Radioactivité naturelle

Radioactivité artificielle

Milieu terrestre

Plantes (Bq/kg poids sec)

Sol (Bq/kg poids sec)

Lait (Bq/l)

 

2000

1500

30

 

1 à 10

1 à 15

0.1 à 0.5

Milieu aquatique

Plantes (Bq/kg poids sec)

Sédiments(Bq/kg poids sec)

Poissons (Bq/kg poids frais)

 

1300

1500

400

 

3 à 200

2 à 30

1à 5

 

Eau de rivière

Eau de pluie

Eau de mer

Charbon

Sol sédimentaire

Sédiments Isère (K 40)

0.3 Bq/l

0.3 à 1 Bq/l

12 Bq/l

250 Bq/kg

400 Bq/kg

1000 Bq/kg

Béton

Briques

Plâtre

Croûte terrestre

Engrais phosphatés

Sol granitique

700 Bq/kg

1000 Bq/kg

1000 Bq/kg

2000 Bq/kg

5000 Bq/kg

8000 Bq/kg

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