D'autres sources
privées font état d'un maximum d'une dizaine dans l'ensemble des
trois républiques. Ces décès auraient pu être évités ou
retardés de plusieurs dizaines d'années avec un traitement
précoce et adapté. Pour les
adultes, on constate, comme ailleurs, une augmentation très
probablement liée au dépistage, car le cancer thyroïdien
radioinduit n'existe pratiquement pas chez l'adulte. Trois cas de
cancers papillaires ont été identifiés sur une cohorte de 1984
liquidateurs lituaniens, neuf ans après l'accident, ce qui
correspond à une proportion normale. L'analyse des cas détectés
chez d'autres liquidateurs montre que leur apparente augmentation
résulte d'un effet de dépistage.
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3.3.3.
Les leucémies
Après irradiation,
les leucémies sont considérées comme les cancers apparaissant le
plus précocement (2 ans, avec un pic 6 à 8 ans après) . Or
l'excès de leucémies attendu n'est pas apparu. Une lente
augmentation du taux de leucémies en URSS avait déjà été
constatée depuis 1981, notamment chez les personnes âgées. Elle
se confirme, mais ce phénomène peut résulter d'un meilleur
enregistrement des données et d'une meilleure surveillance
médicale. Certaines études font l'objet de controverses mais sans
qu'on ait trouvé de corrélation nette entre les leucémies
apparues et le niveau d'irradiation. Le tout dernier document de l'
UNSCEAR apparaît toutefois moins affirmatif et quelques années
supplémentaires d'observation et d'analyse s'imposent avant de
conclure. S'il existe un effet, celui-ci reste faible, en tout état
de cause.
3.3.4. Autres
tumeurs solides.
On peut
s'attendre à un excès de tumeurs solides dans les années à venir
dans les groupes les plus exposés : travailleurs d'urgence,
liquidateurs intervenus en 1986-1987, populations des territoires
contaminés ayant reçu plus d'une centaine de millisieverts.
Cependant un tel excès n'a pas été encore constaté, ce qui peut
s'expliquer par le temps de latence d'au moins dix ans nécessaire
avant apparition de ces cancers et par le faible nombre prévisible
de cancers en excès par rapport au nombre de cancers spontanément
attendus. C'est
ainsi que, parmi ces liquidateurs, une cohorte de 5 300 femmes a
été étudiée et n'aurait mis en évidence aucune augmentation des
cancers du sein. Les causes de mortalité auraient été
légèrement modifiées, mais de manière analogue dans les zones
contaminées et non contaminées de l'ensemble de l'ex-URSS
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3.4.
Les affections congénitales
Les anomalies
constatées à la naissance peuvent avoir deux origines : une
origine héréditaire liée à une anomalie transmissible dans une
gamète parentale, une origine tératogène, c'est à dire un
événement survenant pendant la grossesse et entraînant une
anomalie de l'enfant à naître. Toutes causes confondues, les
affections congénitales sont présentes dans environ 10% des
naissances, 3 à 4 % étant des anomalies congénitales graves. Une
augmentation des effets tératogènes a été observée après des
irradiations accidentelles ou thérapeutiques de femmes enceintes au
premier trimestre de grossesse pour des doses abdominales
supérieures à 250-500 mGy. Il n'y a pas de données humaines qui
permettent d'établir la réalité et le niveau de l'excès d'effets
héréditaires radio-induits. Concernant les suites de l'accident de
Tchernobyl, les études conduisent à des résultats contradictoires
difficiles à interpréter, la légère dérive observée sur les
taux d'anomalies (polydactylies, anencéphalies, becs de lièvre,
malformations diverses) n'étant pas corrélée au taux
d'irradiation, et devant avoir aussi d'autres causes. De même, on a
constaté une augmentation du nombre d'avortements spontanés et une
baisse de natalité mais sans corrélation avec l'irradiation. Les
enfants irradiés in utero semblent un peu moins développés
intellectuellement et présenter davantage de troubles psychiques
que les autres. Cependant, l’interprétation de ces études est
délicate, car les critères utilisés sont difficilement
quantifiables et ces observations peuvent être associées et
attribuées à la plus grande fréquence des troubles psychiques de
leurs parents.
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3.5.
Autres affections (psychologiques et autres).
Dès 1992, des
affections non malignes de la thyroïde ont été découvertes dans
la zone de Tchernobyl. Mais l'accident a surtout causé des
désordres psychologiques importants (stress, anxiété) que l'on
corrèle, pour la population, aux conséquences économiques et
sociales des évacuations plutôt qu'au niveau d'irradiation. Des
symptômes tels que maux de tête, dépressions, troubles du sommeil
et déséquilibres émotionnels ont été rapportés et l'on a
observé un développement intellectuel inférieur chez les enfants
exposés in utero. Mais ces troubles ont pu être statistiquement
associés au niveau de stress de leurs parents et non au niveau
d'irradiation subi. Ainsi, ces conséquences sont elles plus faibles
chez les liquidateurs ayant déjà travaillé dans des zones
contaminées que chez les autres.
De nombreux individus
sont convaincus que l'irradiation est la cause la plus probable de
leur mauvaise santé. Cette tendance à attribuer tous les
problèmes rencontrés à l'accident a conduit à des attitudes
passives favorisant le développement de l'alcoolisme et de la
toxicomanie. L'augmentation de la fréquence des accidents
(traumatismes, accidents de la circulation) et des suicides a bien
été mise en évidence.
3.6. Effets
immunologiques
Il a été constaté
que l'irradiation pouvait altérer plusieurs paramètres
immunologiques sur des animaux de laboratoire, mais les effets
observés sur les humains ne sont pas clairs. Le rapport de l'UNSCEAR
cite sept études de cohortes différentes (enfants, pilotes
d'hélicoptère, liquidateurs, etc.). La période prolongée durant
laquelle des troubles de la fonction immunitaire ont été observés
dans certaines cohortes n'est pas conforme à ce que l'on sait du
rétablissement des fonctions immunitaires chez les animaux de
laboratoire. Il est donc très probable que d'autres causes sont à
rechercher pour expliquer les fluctuations de certains paramètres
immunologiques dans différents groupes de sujets.
On a également noté
une possible augmentation d'incidence des thyroïdites chroniques
auto-immunes (pathologie bénigne évoluant vers l'hypothyroïdie).
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3.7. Mortalité
globale.
Le document de l'UNSCEAR
ne donne aucune indication sur le nombre de personnes décédées
d'un cancer de la thyroïde, ni de bilan global de décès pour
d'autres causes. On sait que le taux de mortalité dans les pays de
l'ex-URSS a augmenté depuis quinze ans (indépendamment du niveau
d'irradiation), mais en l'absence de nouvelles tables de mortalité,
on ne peut dire quel est le nombre "normal" de décès
attendu dans la cohorte des 600 000 liquidateurs.
A titre d'exemple, en
France, la mortalité annuelle chez les hommes de 20 à 39 ans varie
de 132 à 245 pour 10 000, les décès par cancer représentant
entre 4,3 et 32 pour 100 000 suivant les tranches d'âge. Sur une
cohorte de 600 000 hommes résidant en France et âgés de 20 ans en
1986, le nombre total de décès entre 1987 et 2000 peut être
estimé à un peu plus de 14 000.
3.8. Les
coopérations médicales internationales
Les coopérations
internationales se sont multipliées lorsque les premiers cancers de
la thyroïde sont apparus, vers 1990, époque où l'URSS a commencé
aussi à se désagréger. Elles ne peuvent être ici toutes
mentionnées.
L'AIEA a organisé
l'International Chernobyl Project permettant à des experts de
diverses nations d'évaluer les conceptions soviétiques concernant
la vie dans les régions contaminées.
En 1992-1995, l'OMS a
conduit un programme international sur les effets sur la santé de
l'accident (IPHECA), avec un certain nombre de projets pilotes dont
un consacré à l'évaluation des doses reçues par les diverses
populations concernées.
Entre 1991 et 1996,
la Sasakawa Memorial Health Foundation a parrainé un vaste
programme international de dépistage des enfants victimes de
Tchernobyl. Des centres de diagnostic régionaux furent créés en
Biélorussie (Gomel et Mogilev), en Russie (région de Bryansk) et
Ukraine (Kiev et Korosten). Environ 120 000 enfants furent
examinés.
Depuis 1990, 4506
enfants originaires de la région de Tchernobyl ont reçu des soins
médicaux dans un Centre cubain. L'estimation de l'état de santé
général n'a montré aucune corrélation avec leur niveau de
contamination au césium.
Divers pays
occidentaux ont également participé au dépistage et aux soins
apportés aux enfants. L'Allemagne a surtout porté ses efforts sur
la Biélorussie et la France sur l'Ukraine.
Créé en 1991 sous
l'impulsion d'une ONG ("les enfants de Tchernobyl") avec
le soutien de divers financements, le Centre franco-ukrainien de
Kiev assure le suivi médical et épidémiologique d'enfants
(4 000 jusqu'en 1998) et d'adultes présents lors de l'accident à
Pripiat ou dans la zone de 30 km entourant la centrale. Il suit
aussi les enfants irradiés in utero, nés après l'accident de
mère contaminée.
Ce Centre a pris en
charge le voyage et les explorations et traitements complémentaires
à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) de 29 enfants (16
filles et 11 garçons) qui avaient de six mois à neuf ans et demi
lors de l'accident et s'avéraient porteurs d'un épithélomia
thyroïdien papillaire. Les explorations ont montré des métastases
ganglionnaires cervicales dans 24 cas et pulmonaires dans 11 cas.
Sept ans après la découverte du cancer, 20 enfants étaient
apparemment guéris ou en rémission, 6 avaient des adénopathies
cervicales nécessitant une nouvelle intervention, 3 des métastases
pulmonaires évolutives. Aucun décès n'est à déplorer à ce jour
parmi ces enfants.
Les contacts pris à
cette occasion ont montré la grave insuffisance du dépistage, trop
tardif car non systématique, et la faiblesse des traitements en
Ukraine, principalement dues à un manque de moyens.
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3.9.
Conclusions
Les conclusions du
rapport de l' UNSCEAR de février 2000 sur les effets sanitaires de
l'accident de Tchernobyl sont les suivantes :
" L'accident
de Tchernobyl a causé une contamination étendue de zones de Biélorussie,
Fédération de Russie et Ukraine habitées par plusieurs
millions de personnes. En plus d'avoir causé une exposition aux
rayonnements, l'accident a entraîné des changements à long terme
dans la vie des gens vivant dans les régions contaminées, puisque
les mesures destinées à limiter l'irradiation incluaient un
relogement, des modifications d'approvisionnement alimentaires et
des restrictions d'activité pour les individus et les familles.
Ultérieurement, ces changements furent accompagnés par les
changements majeurs d'ordre économique, social et politique dus à
la désintégration de l'Union Soviétique.
A l'exception de
l'accroissement des cancers de la thyroïde après l'exposition des
enfants, il n'existe pas
de preuve d'impact sanitaire majeur 14 ans après l'accident de
Tchernobyl. Aucune augmentation dans l'incidence
globale des cancers et sur la mortalité n'a été observée qui
puisse être attribuée aux radiations ionisantes. Le risque de
leucémie, une des premières préoccupations (la leucémie est
le premier cancer à apparaître après une irradiation, du fait de
son court temps de latence) n'est pas élevé, même parmi les
"liquidateurs". Il n'y a pas non plus de preuve
scientifique d'autres désordres non-malins, somatique ou mental
qui soit dû aux rayonnements ionisants."
Lors de la session de
l'UNSCEAR d'avril 2001, un autre document (réf 2) a été publié,
moins catégorique .et incitant à la prudence. Il est donc très
important que les études épidémiologiques soient poursuivies avec
la plus grande rigueur.
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