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Le 26 avril 1986, à
01.23 40 du matin (heure locale) survenait dans un réacteur
électronucléaire de forte puissance de la centrale ukrainienne de
Tchernobyl (dans l'ex-URSS) le pire accident que cette forme
d'énergie ait connu.
Cette catastrophe
dont les multiples conséquences sanitaires, économiques et
sociales, directes ou indirectes, ont affecté l'Ukraine, la
Biélorussie et la Fédération de Russie ont eu bien d'autres
répercussions nationales et internationales : sans doute a-t-elle
achevé de convaincre Mikhaïl Gorbatchev, au pouvoir depuis un an,
d'accélérer les réformes de l'URSS (perestroÏka, glasnost); mais
le monde entier, déjà ébranlé par l'accident de la centrale de
Three Mile Island survenu sept ans plus tôt, s'est à nouveau
interrogé sur les risques que faisait courir l'énergie nucléaire
et dans nombre de pays européens sous le vent des retombées
radioactives, l'émotion et l'inquiétude des populations ont
conduit plusieurs gouvernements à réviser considérablement leurs
programmes.
Pris de court, et
sans information directe en provenance de l' URSS durant les quatre
mois qui ont suivi, les experts de tous les pays ont eu beaucoup de
mal à donner à chaud des réponses satisfaisantes aux questions
des médias, d'autant que certains problèmes nouveaux, par exemple
sur l'évolution de la contamination de l'environnement, se posaient
à eux. Actuellement, les conséquences sanitaires de l'accident
dans les pays les plus affectés font encore l'objet de polémiques
hors des cercles restreints de spécialistes, et les estimations les
plus fantaisistes circulent sur le nombre réel de victimes déjà
recensées ou "potentiellement condamnées". En France,
nombreux sont ceux qui sont convaincus que notre pays a réellement
souffert des retombées constatées sur notre sol.
Il y a, il est vrai,
de réelles difficultés à connaître précisément les effets de
la catastrophe, du fait que ces effets, s'ils existent, sont dans de
nombreux cas masqués par les occurrences spontanées de même
nature. C'est notamment le cas tant pour les
"liquidateurs" que pour les populations concernées en
Ukraine, Biélorussie et Russie, pour les leucémies et cancers
autres que ceux de la thyroïde; c'est également le cas en France
pour les cancers de la thyroïde. Les études épidémiologiques
sont impuissantes à discerner les pathologies provoquées par les
rayonnements parmi l'ensemble des pathologies observées. Comment
s'étonner, dans ces conditions, que certains attribuent à la
catastrophe toutes les pathologies, alors que d'autres
considèrent qu'on ne peut rien lui attribuer ?
Il existe cependant
un domaine où le "bruit de fond" ne masque pas les
conséquences de la catastrophe : il s'agit des cancers de la
thyroïde des enfants nés avant l'accident dans les régions de
Biélorussie, Ukraine et Russie ayant subi de fortes retombées
d'iode radioactif. Ces cancers d'enfants sont normalement rares,
alors qu'une épidémie est apparue dans ces régions au bout d'un
temps de latence de quatre années et se poursuit encore
aujourd'hui. Selon le Comité Scientifique des Nations Unies sur
l'effet des Rayonnements Atomiques (nous utiliserons le sigle
anglais UNSCEAR), ces cancers sont bien recensés et on en aurait
dénombré 1800 à fin 1998. Une autre organisation internationale,
le Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires
Humanitaires a cependant publié, début 2000, un communiqué
faisant état de plus de 11 000 cas, sans indiquer ses sources ;
c'est ce chiffre qui, depuis, est abondamment repris par les médias
alors que le président de l'UNSCEAR s'est ému auprès du
Secrétaire Général des Nations Unies d'une telle information,
infondée selon lui. Autant des opinions différentes peuvent
s'expliquer lorsque les effets de la catastrophe sont indiscernables
du bruit de fond, autant elles ne s'expliquent pas dans ce cas ci.
La SFEN ne peut que souhaiter que le Secrétaire Général des
Nations Unies fasse toute la lumière sur cette affaire que nous
considérons comme très grave sur le plan de l'information et de la
propagation des fausses nouvelles.
A plusieurs reprises,
la dernière en 1996, la SFEN a tenté de trier dans les
informations données par les médias "le vrai, du faux et de
l'incertain". Notre objectif ici est de rassembler et condenser
du mieux possible les informations disponibles sur les causes et
conséquences de cet accident en renvoyant le lecteur à des
rapports plus détaillés et bien documentés. Nous nous appuierons
essentiellement sur les rapports de l'UNSCEAR, dont celui d'avril
2001, les bilans publiés par l'IPSN, les rapports du Centre
International de Recherche sur le Cancer (CIRC) et de l'Institut de
Veille Sanitaire, ainsi que sur des informations transmises par des
médecins français en contact avec leurs homologues des pays
contaminés.
Pourquoi ces choix?
La validation des données scientifiques est une étape obligée de
la connaissance des faits, mal comprise de l'opinion. Les médias en
jouent lorsqu'ils opposent, par exemple, les allégations du Comité
Humanitaire des Nations Unies aux conclusions de l'UNSCEAR sur les
cancers imputables à Tchernobyl, présentées comme deux sources
d'informations divergentes dont la comparaison suscite le débat
social. Les données scientifiques sont la matière première de la
théorie scientifique; elles sont acquises lentement, vérifiables,
évaluées par les pairs, confrontées au doute systématique et
organisées dans un ensemble cohérent par un jeu d'hypothèses
annoncées. Les scientifiques condamnent de manière stricte toute
manipulation dans l'acquisition du fait expérimental (ou
épidémiologique) qui sera transformé en donnée scientifique : ce
point très sensible est l'occasion régulière de procès faits aux
auteurs indélicats. Ces caractéristiques opposent évidemment la
connaissance scientifique, résultat d'une procédure universelle,
à l'information, qui n'obéit qu'à la bonne foi de ses auteurs
dans les cas les plus favorables.
Le présent document
est divisé en quatre parties.
- la première traite
de l'accident proprement dit en s'étendant sur son déroulement et
ses causes,
- la seconde
rappelle les rejets de radioactivité, les contaminations, les
évacuations de la population et les doses qui en ont découlé
dans l'ex-URSS,
- la troisième
expose les conséquences sanitaires connues à ce jour dans les pays
de l'ex-URSS,
- la dernière a
trait aux conséquences constatées dans d'autres pays d'Europe et
particulièrement en France (contaminations, irradiations, risques
sanitaires). Les problèmes de communication rencontrés dans le
passé sont évoqués.
L'annexe rappelle les
notions principales de radioprotection utiles à la compréhension
du texte (définitions, unités, effets des rayonnements, niveaux
d'irradiation courants).
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