L'accident de Tchernobyl
Le Dossier 15 ANS Après

GR21

  mai 2001
Groupe de Réflexion Énergie  
Environnement au 21ème siècle                                                                                                                       

Présentation général

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Le 26 avril 1986, à 01.23 40 du matin (heure locale) survenait dans un réacteur électronucléaire de forte puissance de la centrale ukrainienne de Tchernobyl (dans l'ex-URSS) le pire accident que cette forme d'énergie ait connu.

Cette catastrophe dont les multiples conséquences sanitaires, économiques et sociales, directes ou indirectes, ont affecté l'Ukraine, la Biélorussie et la Fédération de Russie ont eu bien d'autres répercussions nationales et internationales : sans doute a-t-elle achevé de convaincre Mikhaïl Gorbatchev, au pouvoir depuis un an, d'accélérer les réformes de l'URSS (perestroÏka, glasnost); mais le monde entier, déjà ébranlé par l'accident de la centrale de Three Mile Island survenu sept ans plus tôt, s'est à nouveau interrogé sur les risques que faisait courir l'énergie nucléaire et dans nombre de pays européens sous le vent des retombées radioactives, l'émotion et l'inquiétude des populations ont conduit plusieurs gouvernements à réviser considérablement leurs programmes.

Pris de court, et sans information directe en provenance de l' URSS durant les quatre mois qui ont suivi, les experts de tous les pays ont eu beaucoup de mal à donner à chaud des réponses satisfaisantes aux questions des médias, d'autant que certains problèmes nouveaux, par exemple sur l'évolution de la contamination de l'environnement, se posaient à eux. Actuellement, les conséquences sanitaires de l'accident dans les pays les plus affectés font encore l'objet de polémiques hors des cercles restreints de spécialistes, et les estimations les plus fantaisistes circulent sur le nombre réel de victimes déjà recensées ou "potentiellement condamnées". En France, nombreux sont ceux qui sont convaincus que notre pays a réellement souffert des retombées constatées sur notre sol.

Il y a, il est vrai, de réelles difficultés à connaître précisément les effets de la catastrophe, du fait que ces effets, s'ils existent, sont dans de nombreux cas masqués par les occurrences spontanées de même nature. C'est notamment le cas tant pour les "liquidateurs" que pour les populations concernées en Ukraine, Biélorussie et Russie, pour les leucémies et cancers autres que ceux de la thyroïde; c'est également le cas en France pour les cancers de la thyroïde. Les études épidémiologiques sont impuissantes à discerner les pathologies provoquées par les rayonnements parmi l'ensemble des pathologies observées. Comment s'étonner, dans ces conditions, que certains attribuent à la catastrophe toutes les pathologies, alors que d'autres considèrent qu'on ne peut rien lui attribuer ?

Il existe cependant un domaine où le "bruit de fond" ne masque pas les conséquences de la catastrophe : il s'agit des cancers de la thyroïde des enfants nés avant l'accident dans les régions de Biélorussie, Ukraine et Russie ayant subi de fortes retombées d'iode radioactif. Ces cancers d'enfants sont normalement rares, alors qu'une épidémie est apparue dans ces régions au bout d'un temps de latence de quatre années et se poursuit encore aujourd'hui. Selon le Comité Scientifique des Nations Unies sur l'effet des Rayonnements Atomiques (nous utiliserons le sigle anglais UNSCEAR), ces cancers sont bien recensés et on en aurait dénombré 1800 à fin 1998. Une autre organisation internationale, le Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires a cependant publié, début 2000, un communiqué faisant état de plus de 11 000 cas, sans indiquer ses sources ; c'est ce chiffre qui, depuis, est abondamment repris par les médias alors que le président de l'UNSCEAR s'est ému auprès du Secrétaire Général des Nations Unies d'une telle information, infondée selon lui. Autant des opinions différentes peuvent s'expliquer lorsque les effets de la catastrophe sont indiscernables du bruit de fond, autant elles ne s'expliquent pas dans ce cas ci. La SFEN ne peut que souhaiter que le Secrétaire Général des Nations Unies fasse toute la lumière sur cette affaire que nous considérons comme très grave sur le plan de l'information et de la propagation des fausses nouvelles.

A plusieurs reprises, la dernière en 1996, la SFEN a tenté de trier dans les informations données par les médias "le vrai, du faux et de l'incertain". Notre objectif ici est de rassembler et condenser du mieux possible les informations disponibles sur les causes et conséquences de cet accident en renvoyant le lecteur à des rapports plus détaillés et bien documentés. Nous nous appuierons essentiellement sur les rapports de l'UNSCEAR, dont celui d'avril 2001, les bilans publiés par l'IPSN, les rapports du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) et de l'Institut de Veille Sanitaire, ainsi que sur des informations transmises par des médecins français en contact avec leurs homologues des pays contaminés.

Pourquoi ces choix? La validation des données scientifiques est une étape obligée de la connaissance des faits, mal comprise de l'opinion. Les médias en jouent lorsqu'ils opposent, par exemple, les allégations du Comité Humanitaire des Nations Unies aux conclusions de l'UNSCEAR sur les cancers imputables à Tchernobyl, présentées comme deux sources d'informations divergentes dont la comparaison suscite le débat social. Les données scientifiques sont la matière première de la théorie scientifique; elles sont acquises lentement, vérifiables, évaluées par les pairs, confrontées au doute systématique et organisées dans un ensemble cohérent par un jeu d'hypothèses annoncées. Les scientifiques condamnent de manière stricte toute manipulation dans l'acquisition du fait expérimental (ou épidémiologique) qui sera transformé en donnée scientifique : ce point très sensible est l'occasion régulière de procès faits aux auteurs indélicats. Ces caractéristiques opposent évidemment la connaissance scientifique, résultat d'une procédure universelle, à l'information, qui n'obéit qu'à la bonne foi de ses auteurs dans les cas les plus favorables.

Le présent document est divisé en quatre parties.

- la première traite de l'accident proprement dit en s'étendant sur son déroulement et ses causes,

- la seconde rappelle les rejets de radioactivité, les contaminations, les évacuations de la population et les doses qui en ont découlé dans l'ex-URSS,

- la troisième expose les conséquences sanitaires connues à ce jour dans les pays de l'ex-URSS,

- la dernière a trait aux conséquences constatées dans d'autres pays d'Europe et particulièrement en France (contaminations, irradiations, risques sanitaires). Les problèmes de communication rencontrés dans le passé sont évoqués.

L'annexe rappelle les notions principales de radioprotection utiles à la compréhension du texte (définitions, unités, effets des rayonnements, niveaux d'irradiation courants).

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