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2- Journal Libération du 29/07/2000

Un rapport bat en brèche les idées reçues

 

Un économiste estampillé Vert et directeur de recherches au CNRS, le commissaire au Plan et le haut-commissaire à l'énergie atomique. Le trio formé par Benjamin Dessus, Jean-Michel Charpin et René Pellat forme un attelage pour le moins hétéroclite. C'est pourtant un rapport «dont nous assumons conjointement l ensemble des informations, analyses et conclusions», affirme Jean-Michel Charpin, qui a été repris hier au seul Premier ministre (1). Ni Dominique Voynet ni Christian Pierrot, ministres de l'Environnement et de l'Industrie n'ayant été conviés. Un Lionel Jospin qui, en mai 1999, a confié au trio la responsabilité d'effectuer «une étude sur les données économiques de l'ensemble de la filière nucléaire, notamment l'aval du cycle du combustible, y compris le retraitement.

Dos à dos. Une étude sur le long terme - elle inclut les coûts du nucléaire depuis 1977 et va jusqu'en 2050 - qui débouche sur une «comparaison économique (..)J des coûts complets des autres sources d'énergie en y incluant les coûts environnementaux externes. Le résultat ne fera pas plaisir aux militants nucléophobes... comme aux nucléophiles à la recherche d'arguments financiers et péremptoires en faveur de leurs opinions. «L'économie n'est pas discriminatoire entre les scénarios...», avoue l'économiste Benjamin Dessus. Tandis que René Pellat admet «qu'à très long terme l'écart de coût entre les différents moyens de production n'est pas énorme. En gros, tout dépend du prix du gaz. S'il est bas sur toute la période jusqu'en 2050, il sera compétitif avec le nucléaire. Le choix le plus avantageux serait un mélange d'importantes économies d'énergie combiné à un nucléaire renouvelé avec des technologies produisant moins de déchets ultimes et utilisant le plutonium. Prudents, ou soucieux de ne pas étaler leurs désaccords, les trois rapporteurs indiquent toutefois que «cette étude ne débouche sur aucune préconisation.

Pour parvenir à ce résultat, le rapport balaye un ensemble de scénarios économiques et technologiques très varié. Sans privilégier l'un plutôt que l'autre puisque, explique Jean-Michel Charpin, «il faut couvrir l ensemble du spectre envisagé dans le débat public.

Sept scénarios. Sur ces sept scénarios, quatre retiennent un renouvellement total ou partiel du parc nucléaire en 2050 et trois son arrêt au bout de trente ou quarante-cinq ans d'utilisation. Les rapporteurs ont envisagé la poursuite de la stratégie du retraitement du combustible à La Hague et son arrêt en 2010. Et travaillé sur des hypothèses hautes (720 TWh) et basses (535 TWh) pour la consommation d'énergie. Avec, pour chacun de ces scénarios, des calculs de coûts les plus complets possibles.

Ainsi les scénarios nucléaires tiennent compte des coûts du démantèlement (rapide ou lent) des centrales et de la gestion des déchets ultimes, par un entreposage de longue durée en surface puis son éventuel enfouissement. Les scénarios gaziers tiennent compte, eux, des taxes qui pourraient affecter les émissions de gaz carbonique (de 400 à 1 000 flancs la tonne de carbone) prévues par les négociations sur la Convention pour la prévention des changements climatiques. C'est la fameuse «internalisation» des coûts que les Verts ont toujours exigés à l'égard du nucléaire mais qui, mauvaise surprise, se révèle plus «plombant», dit Benjamin Dessus, pour le recours massif au gaz. Bourré de chiffres, le rapport devrait, tout de même, mettre fin à quelques polémiques inutiles. Ainsi les " 000 milliards» d'investissements dans le nucléaire souvent agités sont ramenés à 470 milliards. A l'inverse, l'affirmation nucléophile - «cela ne coûte rien à exploiter» - est démolie. Dans le coût total du nucléaire, l'exploitation représente 43 %, contre 25 % pour l'investissement.

Economies d'énergie. «Le principal message, explique Benjamin Dessus, est qu'une vigoureuse politique publique d'économie d'énergie permet, outre de gagner environ 15 milliards de francs par an, d'élargir les marges de manœuvre» Cette stratégie permet en effet de ne pas remplacer les premières centrales nucléaires arrivées en fin de vie. Cela donne dix ans de plus pour choisir la technologie des nouveaux moyens de production. Les uns y verront une chance supplémentaire pour l'arrivée à maturité des énergies renouvelables... à condition d'accepter le nucléaire actuel plus longtemps. D'autres, comme René Pellat, y voient à l'inverse la possibilité «de mettre au point des technologies nucléaires plus sûres, produisant moins de déchets et moins chères.

(1) Etude économique prospective de la filière électrique nucléaire. Rapport au Premier ministre. Consultable sur Intemet: http://www.plan. gouv.fr ou disponible au Commissariat au Plan.