L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Art. 1er. - La gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie
longue doit être assurée dans le respect de la protection de la nature, de
l'environnement et de la santé, en prenant en considération les droits des générations
futures.
Art. 2. - Il est inséré, après l'article 3 de la loi n° 76-663 du 19 juillet
1976 relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement, un
article 3-1 ainsi rédigé :
Art. 3-1. - Le stockage souterrain en couches géologiques profondes de produits
dangereux, de quelque nature qu'ils soient, est soumis à autorisation administrative.
Cette autorisation ne peut être accordée ou prolongée que pour une durée limitée et
peut en conséquence prévoir les conditions de réversibilité du stockage. Les produits
doivent être retirés à l'expiration de l'autorisation.
Les conditions et garanties selon lesquelles certaines autorisations peuvent être
accordées ou prolongées pour une durée illimitée, par dérogation aux dispositions de
l'alinéa précédent, seront définies dans une loi ultérieure."
Art. 3. - Le stockage en France de déchets radioactifs importés, même si leur
retraitement a été effectué sur le territoire national, est interdit au delà des
délais techniques imposées par le retraitement.
Art. 4. - Le Gouvernement adresse chaque année au Parlement un rapport faisant
état de l'avancement des recherches sur la gestion des déchets radioactifs à haute
activité et à vie longue et des travaux qui sont menés simultanément pour :
- la recherche de solutions permettant la séparation et la transmutation des
éléments radioactifs à vie longue présents dans ces déchets;
- l'étude des possibilités de stockage réversible ou irréversible dans les
formations géologiques profondes, notamment grâce à la réalisation de laboratoires
souterrains;
- l'étude de procédés de conditionnement et d'entreposage de longue durée en
surface de ces déchets.
Ce rapport fait également état des recherches et des réalisations effectuées à
l'étranger.
A l'issue d'une période qui ne pourra excéder quinze ans à compter de la
promulgation de la présente loi, le Gouvernement adressera au Parlement un rapport global
d'évaluation de ces recherches accompagné d'un projet de loi autorisant, le cas
échéant, la création d'un centre de stockage des déchets radioactifs à haute
activité et à vie longue et fixant le régime des servitudes et des sujétions
afférentes à ce centre.
Le Parlement saisit de ces rapports l'Office parlementaire d'évaluation des choix
scientifiques et technologiques.
Ces rapports sont rendus publics.
Ils sont établis par une commission nationale d'évaluation, composée de :
- Six personnalités qualifiées, dont au moins deux experts internationaux,
désignées, à parité, par l'Assemblée nationale et par le Sénat, sur proposition de
l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques;
- deux personnalités qualifiées désignées par le Gouvernement, sur proposition du
Conseil supérieur de la sûreté et de l'information nucléaires;
- quatre experts scientifiques désignés par le Gouvernement, sur proposition de
l'Académie des sciences.
Art. 5. - Les conditions dans lesquelles sont mis en place et exploités les
laboratoires souterrains destinés à étudier les formations géologiques profondes où
seraient susceptibles d'être stockés ou entreposés les déchets radioactifs à haute
activité et à vie longue sont déterminés par les articles 6 à 12 ci-dessous :
Art. 6. - Tout projet d'installation d'un laboratoire souterrain donne lieu,
avant tout engagement des travaux de recherche préliminaires, à une concertation avec
les élus et les populations des sites concernés, dans des conditions fixées par
décret.
Art. 7. - Les travaux de recherche préalables à l'installation des
laboratoires sont exécutés dans les conditions prévues par la loi du 29 décembre 1892
sur les dommages causés à la propriété privée par l'exécution de travaux publics.
Art. 8. - Sans préjudice de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux
installations classées pour la protection de l'environnement, l'installation et
l'exploitation d'un laboratoire souterrain sont subordonnées à une autorisation
accordée par décret en Conseil d'Etat, après étude d'impact, avis des conseils
municipaux, des conseils généraux et des conseils régionaux intéressés et après
enquête publique organisée selon les modalités prévues par la loi n° 83-630 du 12
juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection
de l'environnement.
Cette autorisation est assortie d'un cahier des charges.
Le demandeur d'une telle autorisation doit posséder les capacités techniques et
financières nécessaires pour mener à bien de telles opérations.
Art. 9. - L'autorisation confère à son titulaire, à l'intérieur d'un
périmètre défini par le décret constitutif, le droit exclusif de procéder à des
travaux en surface et en sous-sol et celui de disposer de matériaux extraits à
l'occasion de ces travaux.
Les propriétaires des terrains situés à l'intérieur de ce périmètre sont
indemnisés soit par accord amiable avec le titulaire de l'autorisation, soit comme en
matière d'expropriation.
Il peut être procédé, au profit du titulaire de l'autorisation, à l'expropriation
pour cause d'utilité publique de tout ou partie de ces terrains.
Art. 10. - Le décret d'autorisation institue en outre, à l'extérieur du
périmètre mentionné à l'article précédent, un périmètre de protection dans lequel
l'autorité administrative peut interdire ou réglementer les travaux ou les activités
qui seraient de nature à compromettre, sur le plan technique, l'installation ou le
fonctionnement du laboratoire.
Art. 11. - Des sources radioactives peuvent être temporairement utilisées dans
ces laboratoires souterrains en vue de l'expérimentation.
Dans ces laboratoires, l'entreposage ou le stockage des déchets radioactifs est
interdit.
Art. 12. - Un groupement d'intérêt public peut être constitué, dans les
conditions prévues par l'article 21 de la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 d'orientation
et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France, en
vue de mener des actions d'accompagnement et de gérer des équipements de nature à
favoriser et à faciliter l'installation et l'exploitation de chaque laboratoire.
Outre l'Etat et le titulaire de l'autorisation prévue à l'article 8, la région et le
département où est situé le puits principal d'accès au laboratoire, les communes dont
une partie du territoire est à moins de dix kilomètres de ce puits, ainsi que tout
organisme de coopération intercommunal dont l'objectif est de favoriser le développement
économique de la zone concernée, peuvent adhérer de plein droit à ce groupement.
Art. 13. - Il est créé, sous le nom d'agence nationale pour la gestion des
déchets radioactifs, un établissement public industriel et commercial, placé sous la
tutelle des ministres de l'industrie, de la recherche et de l'environnement.
Cette agence est chargée des opérations de gestion à long terme des déchets
radioactifs, et notamment :
- en coopération notamment avec le Commissariat à l'énergie atomique, de participer
à la définition et de contribuer aux programmes de recherche et de développement
concernant la gestion à long terme des déchets radioactifs;
-d'assurer la gestion des centres de stockage à long terme soit directement, soit par
l'intermédiaire de tiers agissant pour son compte;
-de concevoir, d'implanter et de réaliser les nouveaux centres de stockage compte tenu
des perspectives à long terme de production et de gestion des déchets et d'effectuer
toutes les études nécessaires à cette fin, notamment la réalisation et l'exploitation
de laboratoires souterrains destinés à l'étude des formations géologiques profondes;
-de définir, en conformité avec les règles de sûreté, des spécifications de
conditionnement et de stockage des déchets radioactifs;
-de répertorier l'état et la localisation de tous les déchets radioactifs se
trouvant sur le territoire national.
Art. 14. - Il est créé, sur le site de chaque laboratoire souterrain, un
comité national d'information et de suivi.
Ce comité comprend notamment des représentants de l'Etat, deux députés et deux
sénateurs désignés par leur assemblée respective, des élus des collectivités
territoriales consultées à l'occasion de l'enquête publique, des membres des
associations de protection de l'environnement, des syndicats agricoles, des représentants
des organisations professionnelles et des représentants des personnels liés au site
ainsi que le titulaire de l'autorisation.
Ce comité est composé pour moitié au moins d'élus des collectivités territoriales
consultées à l'occasion de l'enquête publique. Il est présidé par le préfet du
département où est implanté le laboratoire.
Le comité se réunit au moins deux fois par an. Il est informé des objectifs du
programme, de la nature des travaux et des résultats obtenus. Il peut saisir la
commission nationale d'évaluation visée à l'article 4.
Le comité est consulté sur toutes questions relatives au fonctionnement du
laboratoire ayant des incidences sur l'environnement et le voisinage. il peut faire
procéder à des auditions ou des contre-expertises par des laboratoires agréés.
Les frais d'établissement et le fonctionnement du comité local d'information et de
suivi sont pris en charge par le groupement prévu à l'article 12.
Art. 15. - Un décret en Conseil d'Etat fixe en tant que de besoin les
modalités d'application de la présente loi.