Avenir du nucléaire ?
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Étude économique prospective

de la filière électrique nucléaire

[pour consulter le rapport cliquez ici]

Par Jean-Michel Charpin, Benjamin Dessus et René Pellat

Par lettre du 7 mai 1999, le Premier ministre a demandé à Jean-Michel Charpin, Benjamin Dessus et René Pellat, d'effectuer une « étude sur les données économiques de l'ensemble de la filière nucléaire, notamment l'aval du cycle du combustible nucléaire, y compris le retraitement ». Ce rapport devait inclure des comparaisons avec les autres modes de production d'électricité et prendre en compte les coûts environnementaux. Le Premier ministre précisait dans cette même lettre son souhait de voir ta mission « examiner l'ensemble des facteurs fondant une décision publique : compétitivité intrinsèque, externalités et effets de long terme, tels que l'impact des différents modes de production sur nos émissions de CO2 et la maîtrise de l'aval du cycle nucléaire ».

Deux séries de questions sont au centre de l'étude.

La première porte sur le parc nucléaire existant. Compte tenu de l'inertie d'un système de production électrique français très largement fondé sur l'énergie nucléaire et dont les investissements majeurs ont déjà été réalisés, quelles sont les marges de manœuvre laissées aux pouvoirs publics et aux opérateurs pour l'avenir de ce parc ? En particulier

 

- quelles sont les conditions et conséquences économiques d'une prolongation éventuelle de la durée de vie du parc existant ?

- quelles sont les conséquences économiques et écologiques de décisions visant à poursuivre ou à arrêter le retraitement des combustibles irradiés provenant du parc existant ?

La seconde concerne les nouveaux investissements susceptibles de répondre, dans divers jeux d'hypothèses, à la demande électrique. En particulier

 

- quelles sont les technologies (nucléaires et non nucléaires) envisageables, et à quel horizon ?

- quelles sont les évolutions en cours dam le monde susceptibles de peser sur les choix qui seront retenus en France ?

- quelles sont les conséquences environnementales de ces choix à l'horizon 1050, en particulier en termes d'émissions de gaz à effet de serre et de quantités de transuraniens à stocker ''

La gestion du parc existant

L'allongement de la vie des centrales améliore l'économie du système

Le parc actuel est relativement jeune: sur les 58 réacteurs à eau légère couplés au réseau, 34 appartenant au palier 900 MWe ont un âge moyen de 17 ans, 20 appartenant au palier 1 300 MWe ont un âge moyen de 11 ans et 4 réacteurs N4 d'une puissance de 1 450 MWe ont moins de 4 ans. Les investissements sont aujourd'hui réalisés, que ce soit la construction des centrales ou celle des usines d'enrichissement, de retraitement ou de fabrication de combustibles.

La répartition par postes principaux des dépenses cumulées liées au parc nucléaire existant pour deux hypothèses de durée de vie moyenne (41 et 45 ans) fait cependant ressortir le poids des dépenses d'exploitation (43 %) devant celui des investissements (25 %), celui de l'amont du cycle du combustible (20 %) et enfin celui de l'aval et de la fin du cycle (12 %).

L'économie engendrée par une prolongation de la durée de vie du parc de 10 % (41 à 45 ans) se traduit dans ces conditions par une économie de 6 % du coût moyen non actualisé du kWh (calculé comme le rapport des dépenses non actualisées totales à la production cumulée du parc sur l'ensemble de sa vie).

L'allongement de la vie des centrales retarde le calendrier des décisions à prendre pour le parc futur

En retardant le renouvellement du parc, on ouvre des possibilités nouvelles d'émergence de technologies fissiles, fossiles ou renouvelables plus performantes que les technologies actuelles (valorisant mieux en particulier les matières fissiles et diminuant la production de déchets ultimes), et on accroît l'opportunité, par la mise en place de technologies efficaces de maîtrise de la demande électrique, de réduire les besoins de renouvellement.

Le retraitement-recyclage réduit la quantité de plutonium à stocker au prix d'un surcoût

Pour éclairer ce point, nous avons analysé pour le parc existant trois stratégies pour l'aval du cycle

- le prolongement de la situation actuelle avec le maintien du retraitement dans une proportion comprise entre 65 et 75 % du combustible UOX irradié et l'utilisation de MOX (mélange d'oxydes d'uranium et de plutonium) dans 20 réacteurs du palier 900 MWe ;

- l'extension du retraitement à l'ensemble du combustible UOX déchargé, ce qui correspond à l'utilisation de MOX dans les 28 réacteurs du palier 900 MWe, techniquement aptes à recevoir du MOX ;

- le désengagement progressif d'une stratégie de retraitement-recyclage jusqu'à l'arrêt du retraitement en 2010, avec le passage à une stratégie de cycle ouvert dans laquelle les combustibles irradiés sont entreposés à leur sortie du réacteur avant d'être stockés définitivement.

Les trois stratégies ont des conséquences sur les quantités des diverses natures de déchets à entreposer et à stocker et en particulier sur la quantité de transuraniens non séparés contenus dans les combustibles irradiés entreposés : les solutions avec arrêt du retraitement conduisent essentiellement aux problèmes d'entreposage (50 ans) et de stockage définitif de l'UOX irradié contenant des transuraniens ; les solutions avec poursuite du retraitement permettent une réduction des quantités de combustibles irradiés à entreposer et une réduction du volume de transuraniens non séparés, mais conduisent à la gestion de quantités plus importantes de MOX irradié, qu'il est nécessaire d'entreposer 150 ans avant de pouvoir stocker de manière définitive.

- Pour une durée de vie de 41 ans, la quantité de transuraniens est réduite de 12 % entre le scénario supposant 28 tranches moxées et celui qui suppose l'arrêt du retraitement en 2010.

- Pour une durée de vie de 45 ans, cette quantité est réduite de 15 % entre les deux mêmes scénarios.

- Enfin par rapport à l'hypothèse d'école d'une absence totale de retraitement (sans investissement des usines de retraitement et de fabrication de MOX), la quantité de transuraniens est réduite respectivement de 17 et de 23 % pour des durées de vie de 41 et 45 ans.

 

1 'analyse du parc existant montre donc que la poursuite de la stratégie française de retraitement-recyclage, si elle est complètement mise en œuvre sur le parc existant et dans des conditions optimales de fonctionnement de La Hague. permettrait sur la durée de vie du parc actuel considéré de manière isolée, et par rapport à un arrêt du retraitement en 2010 : ante économie d'uranium naturel de l'ordre de 5 % et une réduction des transuraniens à stocker de 12 à 15 % selon la durée de vie du parc, au prix d'un surcoût global proche de 1 % et d'un accroissement de la quantité de MOX irradié à entreposer pendant environ 150 ans.

Les futurs possibles à l'horizon 2050

Les tendances en cours dans le monde influenceront les choix qui seront retenus en France pour le parc futur

Dans ses choix de parc de production électrique, la France pourra difficilement faire cavalier seul dans un monde qui s'ouvre à la concurrence. En fait, la situation du nucléaire dans le monde est contrastée

- par le développement du parc nucléaire d'abord - la plupart des pays de l'OCDE (hormis la Corée du Sud, le Japon et la République tchèque) ont arrêté la construction de nouvelles centrales ; certains, comme les États-Unis, prolongent la durée de vie des centrales existantes pour des raisons économiques ; d'autres ont programmé l'arrêt de leurs centrales existantes comme la Suède ou l'Allemagne. Dans ce dernier pays, un accord a été signé entre le gouvernement et les électriciens fixant à 32 ans la durée de vie moyenne des réacteurs, avec des clauses particulières qui reviendraient à une durée de vie moyenne d'exploitation de 36,2 années pour le parc français ;

- par les choix retenus en matière de gestion des combustibles usés, entre les pays qui choisissent le retraitement-recyclage afin de récupérer dans le combustible irradié l'uranium et le plutonium valorisables, d'autres qui aujourd'hui abandonnent cette voie ou envisagent de le faire, généralement pour des raisons économiques, et enfin ceux qui dès le début de leur programme ont choisi la voie du stockage direct.

Deux scénarios de demande d'énergie électrique associés à deux scénarios de demande d'énergie ont été retenus

Les scénarios « bas » et c< haut » supposent respectivement entre 2020 et 2050 une hausse annuelle moyenne de la demande électrique française de 0,6 °/o et de 1,2 %. Le point 2020 correspond aux scénarios retenus dans le « rapport Énergie 20102020 » publié en 1998 par le Commissariat général du Plan

Consommation finale (1) TWh 1997 2020 (2) 2050
    S2 Plan S3 Plan Haut Bas
Secteurs productifs 228 302 269 400 275
Transports 10 20 23 40 55
Ménages 126 162 142 280 205
- spécifiques 59 76 62 135 90
-chauffage 44 58 52 75 55
- autres 23 29 28 70 60
Total 364 484 1434 720 535
(1) Cette consommation exclut celle du secteur énergétique (Eurodif, raffineries, pertes du réseau, etc.)

(2) Issus du « rapport Énergie 2010-2020 ».

 

Les scénarios à faible demande électrique reposent sur l'emploi de technologies moins gourmandes en électricité et de rentabilité économique globale que l'on a considérée comme avérée sur leur durée de vie. Certaines d'entre elles supposent une action d'incitation publique, au moins de façon transitoire.

Des choix différenciés de capacités de production électrique répondent à ces besoins

Les différences portent sur la part des productions centralisées et décentralisées, sur le besoin en capacité d'approvisionnement

de gaz naturel et en réseaux de transport et de distribution d'électricité, mais surtout sur la part des technologies non nucléaires (essentiellement celle des cycles combinés au gaz naturel) et sur la nature des filières nucléaires utilisées (réacteurs et combustibles).

Dans notre analyse du parc du futur, nous avons en particulier pris en compte les progrès technologiques prévisibles sur les filières nucléaires existantes (réacteur et combustible) ainsi que les nouvelles technologies qui pourraient émerger à l'horizon de notre étude.

1- Parmi les filières technologiques susceptibles d'être disponibles au niveau international, on trouve

- les filières dites révolutionnaires » , l'EPR appartient à cette catégorie Les perspectives de progrès technologiques par rapport aux REP existants portent en particulier sur l'augmentation des taux de combustion des combustibles UOX et MOX et de la durée de vie à 60 ans,

- les filières dites « révolutionnaires" » dont la faisabilité scientifique et technique est avérée mais qui n'ont pas atteint le stade du développement industriel : le RHRI (réacteur à haut rendement de première génération) appartient à cette famille, et pourrait utiliser en particulier le plutonium issu du retraitement du MOX irradié ;

- les filières à l'état de projet comme le RHR2 (réacteur à haut rendement de deuxième génération) qui, en brûlant les actinides dont le plutonium, permettrait une réduction de déchets ultimes à stocker.

2- Les nouveaux combustibles envisagés ont pour but de recycler plus efficacement le plutonium contenu dans les combustibles irradiés : c'est le cas en particulier de PAPA (Assemblage Plutonium Avancé). Inclus aujourd'hui dans un programme de recherche, il pourrait être utilisé dans les REP à partir de 2020

3- Pour la production d'électricité hors nucléaire, on a principalement fondé les scénarios sur l'emploi du gaz, soit sous forme centralisée dans des cycles combinés, soit sous forme décentralisée en cogénération chaleur-électricité Hormis l'hydraulique dont la capacité est maintenue, on recourt marginalement aux capacités renouvelables, principalement éoliennes.

4 -Nous avons étudié plus précisément six scénarios ayant en commun une durée de vie moyenne du parc nucléaire existant de 45 ans. différenciés par la demande électrique (haute dans les scénarios H, basse dans les scénarios B) et par le parc de production

retenu pour répondre à la demande

- dans HI . il n'y a aucun nouvel équipement nucléaire, les cycles combinés au gaz couvrent 73 % des besoins en 2050, le retraitement est maintenu ;

- dans H2 : de nouveaux équipements nucléaires (EPR) viennent compenser en partie le parc déclassé à partir de 2030 ; la puissance nucléaire nette - pour besoins français - passe de 61.7 GWe en 2000 à 47 en 2050 ; dans une variante de H2, nous avons introduit le nouveau combustible APA dans les réacteurs à eau à partir de 2020 ;

- dans H3 : le nucléaire maintient sa suprématie et de nouveaux équipements (EPR) sont mis en place à partir de 2025 pour atteindre un parc de 85 GWe en 2050 ;

- dans B2 : de nouveaux équipements nucléaires sont mis sur le marché en 2035 (des EPR ou des RHRI) et leur capacité atteint 33 GWe en 2050. Des cycles combinés au gaz se développent en parallèle jusqu'à une capacité proche de 17 GWe en 2050 ;

- dans B3 : des capacités de renouvellement progressif du parc nucléaire actuel par des EPR sont mises en place à partir de 2030 ou 2035 et représentent 47 GWe en 2050, la capacité des cycles combinés au gaz restant faible ;

- dans B4 : il n'y a aucun nouvel équipement nucléaire et le retraitement est arrêté en 2010. Le gaz prend le relais du nucléaire, accompagné par un développement des énergies renouvelables. Nous avons analysé une variante du scénario B4 dans laquelle la durée de rie de chacune des centrales serait strictement limitée à 30 ans (B4 30) ;

Nous avons retenu trois critères principaux de comparaison des scénarios relevant de l'environnement et de l'économie , à sa

voir le cumul sur la période 2000-2050 des émissions de CO, celui des déchets nucléaires à haute activité et à longue durée de vie et celui des dépenses.

L'arbitrage entre déchets nucléaires et émissions cumulées de gaz à effet de serre

Les bilans matières cumulés sur la période 2000-2050 sont contrastés, que ce soit par le volume de combustibles fossiles utilisés et donc la quantité de CO= émise ou par le stock de déchets nucléaires accumulés (déchets et combustibles irradiés) et en particulier par le cumul des transuraniens sans emploi en 2050.

Les bilans matières correspondants, cumulés sur la période 2000-2050, sont présentés dans le tableau suivant

Bilans matières cumulés des différents scénarios

  HI H2 H3 B2 B3 B4 B4 30
Combustibles

2000-2050

             
Gaz naturel Mtep 1 784 1 233 621 748 704 1 340 2 196
Pétrole te 95 95 95 36 44 44 44
Charbon Mtep 72 72 72 19 19 19 57
CO              
C02 (Mt de C)

2000-2050

1 425 1 037 607 710 556 1 006 1 646
CO, total (Mt C)

1977-2050

1 935 1 547 1 117 1 220 1 066 1 516 2 156
Transuraniens

2000-2050

             
Cumul Transuraniens

(tonnes)

365 473 594 411 1456 329 204
Électricité (TWh)

2000-2050

30 625 30 650 30 650 26 180 i 26 180 26 150 26 150
Cumul Transuraniens

(tonnes 1977-2050

495 603 724 541 589 459 334
Transuraniens/TWh

(k h 2000-2050

12 15,4 19,4 15,7 17,5 12,6 8
C02/TWh(ktC/TWh)

2000-2050 j

46,5 33,8 19,8 27,1 21,2 38,5 62,9

Emissions cumulées entre 2000 et 2050

(carbone en millions de tonnes, transuraniens en tonnes)

Image101.gif (4425 octets)

1- Pour un même niveau de demande électrique, les émissions de C02 sont en liaison directe avec le recours au nucléaire: plus le recours au nucléaire est important, plus les émissions de CO, sont faibles.

2- Le cumul des transuraniens peut être réduit soit en utilisant de nouveaux combustibles, soit en utilisant des réacteurs à haut rendement. Ainsi, à l'issue de retraitements successifs, l'utilisation du combustible APA dans H2 ramène le cumul de transuraniens de 473 à 221 tonnes (- 53 %) et l'utilisation de réacteurs RHR 1 dans B2 ramène le cumul des transuraniens de 411 à 115 tonnes (- 72 °/a).

3- La sottie du nucléaire en 30 ans dans 84 permet de réduire de 40 % la quantité de transuraniens au prix d'une augmentation

de près de 65 % des émissions de C02

Les bilans économiques des scénarios

Notre analyse économique est fondée sur le calcul des flux annuels de dépenses (recherche et développement (R & D), investissements y compris ceux liés à l'approvisionnement en gaz naturel et au réseau de transport et de distribution, exploitation, combustibles) associés à chaque scénario sur la base des informations recueillies sur chaque technologie de production et d'usage de l'électricité et sur la prise en compte de différentes hypothèses sur le prix du gaz naturel. Cette analyse débouche sur une comparaison des différents scénarios, d'abord en coûts cumulés non actualisés, puis en coûts cumulés actualisés.

Principaux résultats des bilans cumulés non actualisés sur la période 2000-2050

Les scénarios à basse demande d'électricité dégagent une forte économie comparativement aux scénarios à haute demande quel que soit le prix du gaz naturel. En considérant les dépenses cumulées non actualisées associées aux scénarios, cette économie est en moyenne d'environ 14 milliards par an En cas de tension sur le prix des énergies fossiles, ce sont les scénarios dans lesquels on renouvelle une large partie du parc nucléaire qui ont le coût le plus faible. En cas de stabilité du prix des énergies fossiles, ce sont les scénarios dans lesquels on ne renouvelle pas les centrales nucléaires en fin de vie qui sont les moins chers. Les scénarios de sortie de nucléaire après 30 ans de durée de vie pour le parc existant sont toujours plus chers que ceux qui retiennent 45 ans de durée de vie moyenne.

Cumul de l'ensemble des dépenses liées aux scénarios pour les différentes hypothèses d'évolution des prix des combustibles fossiles (2000-2050)

GF H1 H2 H3 B2 B3 B4 B430
Scénario « Stabilité »              
Investissement 1 665 1 996 2 232 1 627 1 715 1 392 1 351
Exploitation 1 236 1 382 1 545 1 266 1 322 1 164 884
Combustibles 1 968 1 581 1 142 1 249 1 092 1 549 2 230
R&D 120 146 146 146 146 120 86
Total 4 989 5 105 5 065 4 288 4 275 4 225 4 551
Scénario « Déconnexion »              
Investissement 1 665 1 996 2 232 1 627 1 715 1 392 1 351
Exploitation 1 236 1 382 1 545 1 266 1 322 1 164 884
Combustibles 2 449 1 892 1 296 1 483 1 266 1 905 2 739
R&D 1204 146 146 146 146 120 86
Total 5 470 5 416 5 219 4 522 4 449 4 581 5 060
Scénario « Tension »            
Investissement 1 665 1 996 2 232 1 627 1 715 1 392 1 351
Exploitation 1 236 1 382 1 545 1 266 1 322 1 164 884
Combustibles 3 121 2 357 1 545 1 840 1 543 2 415 3 537
R&D 120 146 146 146 146 120 86
Total 6 142 5881 5 468 4 879 4 726 5 091 5 858

Prise en compte de l'actualisation

Les bilans actualisés ont été préparés en utilisant un taux de 6 % sur la période 2000-2030 et 3 °/a au-delà de 2030. Si l'actualisation réduit en particulier le surcoût lié au démantèlement et à l'entreposage des déchets qui, étant effectués au-delà de 2050. bénéficient d'un abattement très important, elle maintient l'écart significatif de coût entre scénarios à haute et basse demande d'électricité. II en est de même lorsque l'on compare les coûts moyens unitaires actualisés de l'électricité à structure de parc comparable comme le montre le tableau suivant calculé sur la période 2020-2050 dans la mesure ou jusqu'à 2020 les parcs sont les mêmes dans tous les scénarios (à l'exception de B4 30).

Cour moyen actualisé du k" sur la période 2020-2050 dans tes différents scénarios

Centimes/kWh Stabilité Déconnexion Tension
Hl 17,2 19,0 22,0
H2 18,3 19,2 21,6
H3 19,5 20,1 21,1
B2 17,8 18,8 20,8
B3 18,0 18.8 20,2
B4 16,8 18,6 21,2
B4 30 17.7 20.5 24,4

L'économie est par exemple de 5 à 7 % sur la production de chaque kWh entre 133 et H3, et de 2 à 4 % entre B2 et H2 comme entre B4 et Hl

On a par ailleurs calculé le coût moyen (hors transport et distribution) actualisé du kWh pour différentes filières, en particulier pour le nucléaire et les cycles combinés au gaz naturel retenus dans les différents scénarios.

Dans l'hypothèse « stabilité », le coût moyen actualisé du kWh nucléaire sur la période 2000-2050 apparaît toujours inférieur ou égal à celui du cycle combiné au gaz naturel. Par contre sur la période 2020-2050, c'est-à-dire à partir du moment où l'on doit investir, soit dans un parc nucléaire, soit dans des CCGN, la tendance s'inverse pour certains des scénarios Dans l'hypothèse « tension », le coût moyen actualisé du nucléaire reste compétitif sur les deux périodes dans tous les scénarios par rapport à celui des CCGN.

Prise en compte des externalités

Depuis les années quatre-vingt, la prise en compte des différentes externalites associées à la production d'électricité a fait l'objet de nombreux débats .

Nous avons mis en avant dans nos scénarios de consommation et de production d'électricité le cumul des émissions de CO, et le cumul des matières nucléaires à haute activité et à très longue durée de vie et avons choisi de ne prendre en compte que ces deux « externalités ». Même si elles n'ont pas la même nature - les émissions de CO, (qui ont lieu immédiatement) ont une nature globale et font l'objet d'engagements internationaux de réduction, alors qu'à ce jour la prise en compte des déchets nucléaires (dont les effets sont différés dans le temps en fonction des solutions retenues pour le stockage) reste dans le domaine des droits nationaux -, nous avons choisi de les prendre en compte de façon équivalente et sans actualisation. Ceci nous permet de comparer l'économie des scénarios différenciés principalement par l'importance relative données au nucléaire et au gaz naturel dans le parc électrique futur.

En donnant une valeur à ces deux externalités, nous exprimons l'importance relative que pourrait accorder la société française au contrôle des cumuls des émissions de C02 ou des déchets nucléaires produits sur la période 2000-2050. Dans le cas des émissions de C07, nous nous sommes appuyés sur les études existantes et avons adopté une fourchette de coûts moyens de 400 à 1 000 francs la tonne de carbone (60 à 150 dollars)

En ce qui concerne les déchets nucléaires à haute activité et à longue durée de vie, il n'existe pas de référence de coût analogue à celle du carbone dans la littérature internationale et nos résultats. de ce fait, ont un caractère largement exploratoire. Nous avons adopté dans nos calculs un coût variant de 500 millions à 1,2 milliard de francs la tonne de transuraniens évitée selon que l'on prend en compte le seul surcoût de la poursuite du retraitement ou l'ensemble des investissements de retraitement depuis l'origine.

Dans ces plages de valeurs (400 à 1000 F la tonne de carbone évitée et de 500 millions à 1,2 milliards de francs la tonne de plutonium - actinides mineurs évités), la valorisation de ces deux externalilés renforce l'intérêt des scénarios à faible demande d'électricité et favorise les scénarios à fort contenu de nucléaire en révélant des surcoûts de 10 à -12 % ,selon les .scénarios. File montre aussi l'intérêt potentiel de l'émergence de filières nucléaires nouvelles qui permettent de réduire le cumul de déchets à l'horizon 2050 (combustible APA, filière intégrant des réacteurs à haut rendement brûlant du plutonium de retraitement).

Les questions qui restent posées

La libéralisation du marché électrique européen pourrait modifier nos résultats

Nous nous sommes délibérément limités à l'analyse de la demande électrique française et aux moyens d'y répondre nationalement, alors même que le marché européen de l'électricité s'ouvre. Ce choix est évidemment restrictif puisque l'existence à terme d'un marché électrique européen pourrait susciter une optimisation des parcs électriques à l'échelle européenne et non plus française et, en limitant l'usage du nucléaire pour la base, favoriser un usage plus efficace du nucléaire.

Nous avons limité notre analyse des flux à la période 2000-2050

Tout en bornant notre analyse des flux économiques à la période 2000-2050, nous avons mis en évidence les dépenses inéluctables (démantèlement, entreposage et stockage des déchets) et les potentiels de production au-delà de cette date, associés au parc existant en 2050. Nous avons d'autre part donné quelques éléments d'appréciation sur la valorisation économique des parcs en place en 2050 dans les différents scénarios.

Ainsi, en se référant aux scénarios H3 et B3 qui font appel au maximum de nucléaire pour chaque type de demande d'électricité, on a pu calculer les dépenses actualisées supplémentaires à engager pour atteindre, à partir de cycles combinés à gaz, la même production cumulée On constate que les scénarios H3 et B3 permettent de réaliser une économie variant de 1,6 à 3 °/a selon les scénarios de prix du gaz.

Méthode de travail

Messieurs Charpin, Dessus, Pelle ont sollicité la collaboration d'experts appartenant en particulier à l'Andra, au CEA, à la Cogema, à EDF et à Framatome Ceux-ci ont accepté de fournir les éléments chiffrés dont la mission avait besoin pour alimenter l'analyse du parc nucléaire existant et éclairer l'analyse prospective.

Rapporteurs

Nicole Jestin-Fleury, Commissariat général du Plan Jacques Percebois, université de Montpellier Le Secrétariat de la mission a été assuré par le Commissariat général du Plan. Nicole Jestin-Fleury, secrétaire de la mission

Trois groupes de travail ont été mis en place, les membres de ces groupes, d'origines diverses, étant choisis de manière consensuelle par la mission. Chaque groupe a produit un rapport. les trois étant à la disposition du débat public .

« Le parc nucléaire actuel » Philippe Girard- Commissariat à l'énergie atomique (CEA) Yves Marignac World Information Service on Energy (WISE) Jean Tassart Commission française du développement durable (CFDD)

« La prospective technologique de la filière nucléaire » Jean Bergeron. CEA Alain Simon, CEA Jean-Baptiste Thomas, CEA Jean-Paul Schapira, Centre national de la Recherche scientifique (CNRS)

« La prospective technologique des filières non nucléaires » Maurice Claverie, ministère de la Recherche Daniel Clément, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) Claude Girard- Institut français du pétrole (IFP)

L'analyse prospective des parcs électriques à l'horizon 2050 repose sur la description de deux scénarios de demande d'énergie électrique croisés avec quatre scénarios principaux d'offre. Ces divers scénarios ont été définis par la mission et modélisés par la société Enerdata, sous la responsabilité scientifique de Bertrand Chateau.

Consultation sur Internet : http://www.plan.gouv.fr

Prochainement en vente au: Commissariat général du Plan

Ce rapport a été remis au premier ministre le 28 Juillet 2000.