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Tchernobyl
Des réponses à vos questions

Dossier réalisé à partir des publications de l'UNSCEAR

(United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiations)

TCHERNOBYL : Des risques maîtrisés

Dans les pays de l’ex-URSS

Grâce au rapport extrêmement circonstancié (plusieurs centaines de pages) publié en 2000 par la plus haute instance dans le domaine des effets des rayonnements : l’UNSCEAR (Comité Scientifique des Nations Unies sur les Effets des Radiations Atomique), il est maintenant possible de faire le bilan des effets constatés.

Parmi les 600 travailleurs présents dans la centrale au moment de la catastrophe, 250 ont été hospitalisés, 30 sont morts dans les semaines suivantes et 3 sont décédés depuis de cancers attribuables aux rayonnements.

Parmi les personnes qui vivaient au voisinage de Tchernobyl, on a constaté environ 2000 cancers de la thyroïde chez les deux millions d’enfants de moins de quinze ans. Ces cancers sont dus aux quantités importantes d’iode radioactif ingérées par certains enfants à cause du lait contaminé. Ces cancers ont entraîné le décès d’environ une dizaine d’entre eux. Ces décès sont en partie imputables à un dépistage et un traitement tardif. A contrario, en Pologne, où 18 millions de doses d’iode ont été distribués rapidement, aucune augmentation des cancers de la thyroïde n’a été mise en évidence.

En dehors de ces cas, on n’a constaté, chez les 250 000 habitants de ces régions et parmi les 600 000 « liquidateurs » (c’est-à-dire les personnes civiles et militaires ayant travaillé sur le site), aucune augmentation de la fréquence des leucémies et des cancers. Il est donc extrêmement peu vraisemblable qu’on observe une augmentation dans les années à venir. On n’a également pas observé d’accroissement de la fréquence des malformations congénitales (rappelons que parmi les 80 000 descendants des survivants d’Hiroshima et Nagasaki, on n’a constaté aucun effet génétique).

En revanche, on a observé des troubles psychosomatiques, des tendances dépressives et même une augmentation de la fréquence des suicides chez les personnes regroupées dans des camps et les personnes évacuées. De tels troubles sont toujours observés en pareille situation, quel qu’ait été l’événement ayant causé les déplacements (guerres, catastrophe naturelle…)

Une zone de 30 km reste interdite autour de Tchernobyl, mais des anciens habitants sont venus s’y réinstaller. La forêt y reprend ses droits et les animaux sauvages y prospèrent puisqu’ils ne sont pas chassés.

En France

On dispose de plusieurs rapports, notamment celui de l’IPSN.

Les doses ont été environ mille fois plus faibles qu’au voisinage de Tchernobyl.

Il subsiste quelques contaminations locales par césium, mais les irradiations correspondantes sont très faibles (au maximum inférieures à 1 mSv pour des personnes y séjournant en permanence). Elles ne posent donc pas de problèmes sanitaires (la dose due à l’irradiation naturelle varie selon les régions en France entre 1,5 et 6 mSv).

Même si, occasionnellement, des champignons ou la viande de sanglier peuvent être contaminés, il faudrait en manger des dizaines de kilos pour encourir le moindre risque. On peut donc les manger sans crainte.

Les doses reçues par la thyroïde des enfants français, même dans les régions les plus touchées, ont été très faibles, de l’ordre de grandeur de l’irradiation naturelle. Les données épidémiologiques ne révèlent aucune augmentation de la fréquence des cancers thyroïdiens de l’enfant qui puisse être imputée à cette irradiation.

Aucun excès de leucémie ne peut être attribué à l’accident de Tchernobyl.

UNE INFORMATION SUFFISANTE ?

Le dernier réacteur en service de la centrale nucléaire de Tchernobyl, située en Ukraine à 20 kilomètres au sud de la frontière de la Biélorussie, a été arrêté à la fin de l'année 2000. Mais ce nom restera toujours associé au plus grave accident nucléaire civil, avec la destruction, le 26 avril 1986, d’un des quatre réacteurs de cette centrale. Cet accident a entraîné la dispersion de produits radioactifs dans de nombreux pays. Il a donné lieu à un flux d'informations, parfois contradictoires et difficiles à vérifier sans une étude attentive. Les conséquences de cet accident sur l’environnement et la santé suscitent toujours des questions bien que nous disposions aujourd'hui d'éléments solides, médicaux et scientifiques permettant de répondre à ces questions :

les rapports d'organismes internationaux tels que l'Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) ou l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS)

les témoignages de personnes ayant séjourné dans les pays de l'ex-URSS au cours des dernières années, notamment sous l’égide d'organismes d'aide humanitaire

Nous disposons, en particulier, en ce qui concerne les conséquences sanitaires de l'accident, du dernier rapport (2000) du Comité Scientifique des Nations Unies pour l'étude des Effets des Radiations Atomiques (UNSCEAR), des bilans publiés par l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN), des rapports des registres français et européens des cancers et de l'Institut national de Veille Sanitaire (InVS).
15 ans après l'accident, il est indispensable de faire le point et de prendre le recul nécessaire par rapport à la masse énorme d'informations dont nous disposons, en faisant ressortir les éléments auxquels nous pouvons à ce jour répondre avec certitude.

Sommaire

L'accident
Les conséquences sur l'environnement
  1. En Ukraine, Fédération de Russie et Biélorussie
  2. En France
Les conséquences sanitaires
  1. En Ukraine, Fédération de Russie et Biélorussie
  2. En France

Glossaire

Annexes

  1. Les effets de Tchernobyl
  2. Traduction d’une lettre du Président de l’UNSCEAR publiée dans The Lancet, Vol. 356, p. 344,

    22 juillet 2000

  3. Sources et effets des rayonnements ionisants

Comité scientifique des Nations Unies pour l'étude des effets des rayonnements atomiques - Rapport UNSCEAR 2000 à l'Assemblée Générale Vol II ( Conclusions)

Références bibliographiques

L'accident

Le réacteur n°4 de la centrale ukrainienne de Tchernobyl a été entièrement détruit par une explosion puis un incendie le 26 avril 1986, lors d'un essai à puissance réduite. Des débris de combustible ont été projetés aux alentours de la centrale. Des rejets considérables de matières radioactives se sont répandus dans l’environnement. Cet accident est la conséquence d’erreurs de conception du réacteur. Mais il a été provoqué par une succession de manquements aux règles élémentaires de sûreté, révélant des insuffisances dans la connaissance et la compréhension de la sûreté aussi bien par les opérateurs que par leur encadrement.

Que s’est-il passé, ce 26 avril, à Tchernobyl ?

C'est un essai de fonctionnement à faible puissance, insuffisamment préparé, qui a conduit à l'accident : un mauvais contrôle de la réaction nucléaire entraîne une augmentation forte et involontaire de la puissance du réacteur, provoque un échauffement très rapide de l’eau contenue dans le réacteur et une détérioration du combustible. L'eau qui se vaporise dans le cœur du réacteur produit une très violente explosion de vapeur à l’intérieur de la centrale détruisant en partie le réacteur et provoquant un incendie.

Comment un tel accident a-t-il pu se produire ?

Des défaillances techniques :

Le réacteur, du type RBMK (réacteur à eau bouillante avec du graphite comme modérateur) n’existe qu’en ex-URSS. Il présente, par comparaison avec les réacteurs européens du type REP ( réacteur à eau sous pression ), trois inconvénients, au moins, dans le domaine de la sûreté :

  1. Le réacteur RBMK est instable à faible puissance : on peut donc parler d'un défaut de conception, qui n'existe pas sur les réacteurs européens du type REP.
  2. Les barres de sécurité, qui doivent arrêter la réaction nucléaire, ont une vitesse d'insertion très insuffisante (20 secondes contre 2 secondes sur les réacteurs REP occidentaux).
  3. L’installation ne comporte pas d'enceinte de sécurité permettant de retenir la radioactivité à l’intérieur du bâtiment réacteur.
Des défaillances humaines :

Les Soviétiques ont mis en avant les erreurs d’exploitation qui sont sans doute la cause principale de l'accident. Le personnel manquait aussi manifestement de formation et sa " culture de sûreté " était pratiquement inexistante. Les experts ont recensé de graves erreurs humaines :

  1. La violation de consignes permanentes de sécurité pourtant impératives
  2. Le non-respect de la procédure d'essai en cours avant l’accident
  3. Le débranchement de plusieurs systèmes de protection automatique.

 

Circonstance aggravante, le respect de la hiérarchie avait annihilé tout sens critique de la part des responsables du pilotage du réacteur qui ont donc exécuté les ordres d'un responsable d'essais électriques ignorant des règles de sûreté nucléaire.

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Les conséquences sur l'environnement

Parmi les éléments radioactifs rejetés dans l'atmosphère, les plus importants du point de vue sanitaire sont ceux qui étaient susceptibles de se diffuser loin au gré des vents et de pénétrer dans les chaînes alimentaires, en particulier les isotopes radioactifs de l’iode, du césium et du strontium.

La superficie des terres contaminées en Ukraine, Biélorussie et Russie, résultant des retombées radioactives est estimée à environ 150 000 km2 ( soit le quart de la superficie de la France). Mais les doses reçues par les populations sont très faibles. Aujourd’hui, dans ces territoires, les concentrations en césium et strontium diminuent lentement dans les sols. Les eaux de boisson et d’irrigation sont peu contaminées, au maximum 1 becquerel de césium et de strontium par litre, donc à des niveaux très inférieurs à ceux pouvant présenter le moindre risque sanitaire.

Des restrictions sévères ont été imposées à la consommation des produits de la chaîne alimentaire mais aujourd’hui les produits agricoles dépassant les limites de commercialisation fixées par l’Ukraine, la Biélorussie et la Russie sont peu nombreux.

Cependant, des centaines de milliers de personnes ont choisi de rester vivre sur le territoire contaminé et leur santé ne semble pas avoir été affectée par les conséquences radiologiques de l'accident. Ces personnes reçoivent en fait des doses de quelques mSv en additionnant l’irradiation externe1 et l’éventuelle contamination interne, doses qui sont donc très inférieures à celles reçues par des millions d'autres personnes habitant les vastes territoires à fort niveau d'irradiation naturelle

la dose moyenne d’irradiation naturelle dans le sud de l’Inde, au Kerala est de 17 mSv/an et on n’y a détecté aucune élévation de la fréquence des cancers ou des malformations congénitales.

Le panache radioactif a disséminé des radionucléides tels que l’iode 131, le césium 134 et le césium 137. Du fait de sa courte période radioactive, l’iode 131 a disparu depuis longtemps. En revanche, on décèle toujours une radioactivité en surface, principalement due au césium 137 dans certaines régions d’Europe.

Le " nuage " s'est déplacé au gré de courants atmosphériques très instables, déposant, de façon aléatoire, plus ou moins de radioactivité en fonction des pluies, provoquant ce qu'on a appelé des " taches en peau de léopard ". Dans les zones où il a plu, la contamination a été plus importante car la pluie a entraîné vers le sol les particules du nuage radioactif qu’elle a traversé. Cette situation a donc entraîné des dépôts d'intensité non exclusivement liée à la distance du point d'émission. Des régions de Biélorussie ont ainsi été concernées, bien que distantes de plusieurs centaines de kilomètres de Tchernobyl.

Le dépôt des particules radioactives est plus intense par temps de pluie
Par temps sec, les particules se déposent sous l'effet du vent et des turbulences qu'il engendre. Par temps de pluie, les gouttes d'eau entraînent les particules vers le sol. L'intensité des dépôts a varié selon les conditions météorologiques. La carte d'Europe des dépôts montre des "taches" qui correspondent aux régions les plus arrosées pendant le passage du panache.

1 La dose en irradiation externe est d'environ 4 mSv/an pour une contamination de 550 000Bq/m2. Elle peut atteindre le double de cette valeur si l'on mange sans précaution les denrées agricoles provenant de cette région

La radioactivité

De nombreux atomes sont stables: ils ne subissent au cours du temps aucune transformation. D'autres atomes sont instables : ce sont des atomes radioactifs appelés aussi radionucléides. Ils ont la propriété de se transformer spontanément – on dit qu'ils se désintègrent – en d'autres corps, en émettant des rayonnements ionisants : c'est le phénomène de radioactivité. Ces atomes se transforment plus ou moins vite au cours du temps suivant une "période" caractéristique pour chacun d'entre eux. Cette période radioactive est la durée au bout de laquelle l'activité du radioélément aura diminué de moitié. La période varie en fonction des radionucléides : elle peut être de moins de 1/100e de seconde à plusieurs milliards d'années.

Iode 131 8,06 jours
Césium 137 30 ans
Plutonium 239 24 400 ans
Uranium 238 4,5 milliards d'années

Il existe dans la nature, depuis la création du monde, de nombreux corps radioactifs. Ceux qui sont présents aujourd’hui sont soit ceux dont la période est très longue (uranium, thorium, potassium 40 et leurs descendants) soit ceux qui sont formés lors des couches supérieures de l’atmosphère par les rayonnements cosmiques (par exemple le carbone 14).

La dose reçue du fait de l'activité normale d'une centrale nucléaire est inférieure au millième de la dose due à la radioactivié naturelle (moyenne en France : 2,4mSv). Aucun effet sur la santé n'a été décelé pour une dose inférieure à 200mSv chez l’adulte, à 100 mSv chez l’enfant.

Les unités de mesure

Le Becquerel (Bq) mesure l'activité de la source radioactive, à savoir le nombre d'atomes qui, par unité de temps, se transforment et émettent un rayonnement. La radioactivité d'un milieu ou d'un matériau s'exprime en Becquerels (par kilo, par litre, par cm2).
1Bq = 1 émission de rayonnement par seconde
Par exemple, dans 1 litre de lait, ayant une radioactivité naturelle de 50Bq/l, il se produit 50 transformations d'atomes par seconde et, par comparaison, 8000 dans un kilo de granit…
Le Sievert (Sv) évalue les effets des rayonnements ionisants sur les tissus vivants. C'est une mesure qui s'exprime le plus souvent en millisievert (mSv) = 0,001Sv.
L'exposition à la radioactivité naturelle en France est de 2,4 mSv par an, elle varie selon les régions et la composition du sol entre 1,5 et 6 mSv.. La limite réglementaire de dose pour la population en France est de 1 mSv depuis 2000, elle était auparavant de 5 mSv..

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Quelle est la situation actuelle à Tchernobyl ?

Une zone d’exclusion a été déclarée dans un rayon de trente kilomètres autour du site accidenté. Dans cette zone, les populations ont été évacuées, les travaux, les productions agricoles, le transit des personnes et des marchandises ont été interdits, toutes les entrées et les sorties de la zone ont été réglementées.

Actuellement, ces interdictions restent en vigueur.

La contamination des sols, essentiellement par le césium 137, se maintiendra pendant de nombreuses années, puisque sa période radioactive est de trente ans (c’est-à-dire que sa radioactivité diminue de moitié tous les trente ans). Indépendamment de cette décroissance naturelle, la mise en œuvre de techniques de décontamination, le lessivage des sols par la pluie, l’absorption des radioéléments par les végétaux... accélèrent l’élimination de la radioactivité et il est envisagé de rendre progressivement les sols les moins contaminés de la zone d’exclusion aux pratiques agricoles et à l’élevage.

En dehors de la zone d’exclusion, la population en Biélorussie, Russie et Ukraine doit s’adapter aux restrictions de consommation de certains produits alimentaires locaux et aux modifications d’activité professionnelle. Les populations qui reçoivent une dose supérieure à 1 mSv/an – dose considérée comme admissible par la CIPR (Commission Internationale de Protection Radiologique) - bénéficient de compensations sociales (accès à des structures économiques garantissant l’amélioration de la qualité de vie, suivi médical, indemnités...) selon des critères d’attribution définis par les autorités. Les territoires dont les populations reçoivent une dose inférieure à ce niveau sont considérés comme permettant une vie normale. La limite d’évacuation très basse choisie par les autorités de l’ex-URSS explique le nombre élevé de personnes évacuées par prudence (la CIPR considère que l'évacuation n'est pas justifiée en dessous de 10 mSv/an)

Combien de personnes vivent dans les zones contaminées ?
En Biélorussie, Russie et Ukraine, environ 7 millions de personnes vivent dans des régions où la radioactivité due au césium 137 est comprise entre 37 000 Bq/m2 et 550 000 Bq/m2. Ces personnes reçoivent en fait des doses moyennes de moins de 1 mSv à 4 mSv par an pouvant atteindre, dans certains cas (ingestion sans précaution de denrées agricoles contaminées), une dizaine de mSv. Le reste de la population vit sur des territoires dont le niveau en césium 137 est inférieur à 37 000 Bq/m2. et où les doses reçues sont bien inférieures à 1mSv par an.
Ces doses sont inférieures à celles reçues par des millions d’autres personnes habitant des territoires à fort niveau d’irradiation naturelle. ( Ainsi au Kérala, dans le sud de l’Inde, la dose moyenne d’irradiation naturelle est de 17 mSv par an et on n’y a détecté aucune élévation de la fréquence des cancers ou des malformations congénitales).
A titre de comparaison, la dose moyenne annuelle due à la radioactivité naturelle est d’environ 2,4 mSv en France.

Les populations évacuées peuvent-elles réintégrer la zone d’exclusion ?

La zone des 30 km autour de Tchernobyl reste interdite, bien que les autorités ferment les yeux sur le retour des personnes qui ont voulu retrouver leur maison. Seuls les territoires où la radioactivité est supérieure à 1,5 million de MBq/m2 (ce qui correspond à une dose d’environ 5 à 12 mSv/an), restent formellement interdits.

Quel est l’impact de l’accident sur la végétation ?

Aujourd’hui un retour vers la normale s’est amorcé dans la forêt de Tchernobyl Toutefois, autour de la centrale, dans la zone proche, beaucoup d’arbres sont morts, surtout les conifères. Un peu plus loin, des modifications sont apparues, notamment sur la forme et la couleur des feuilles. On observe encore des modifications de la flore, des ralentissements de croissance et des modifications de la morphologie dont le suivi fait l’objet de publications scientifiques internationales.

Y a-t-il des conséquences sur les animaux ?

Aujourd'hui, seuls 1 à 2% de la production de lait et de viande se situent au-delà des limites de radioactivité autorisées.

En ce qui concerne la faune dans la zone interdite des 30 km, il s’est instauré un nouvel équilibre biologique, avec réapparition d’espèces sauvages qui étaient en voie de disparition, et dont il est difficile de préciser l’état de santé.

Sur les animaux domestiques, le principal impact de l’accident s’est traduit par des troubles de la thyroïde chez ceux qui avaient ingéré de fortes doses d’iode radioactif.

Le cheptel herbivore des zones touchées par les retombées radioactives a été contaminé à des niveaux divers, ce qui a conduit à des interdictions de consommation de lait et de viande et à l’abattage de certains troupeaux, même loin de Tchernobyl. C’est ainsi que, quelques mois après l’accident, des troupeaux de rennes dont la viande présentait des teneurs en césium jugées excessives ont été abattus en Norvège. Mais des mesures palliatives ont pu être prises dans certains cas (par exemple en ajoutant à l’alimentation du bétail des produits* ayant la propriété de piéger les radionucléides au niveau de l'appareil digestif. Ainsi, une grande partie de ces radionucléides sont éliminés en grande partie et cela évite leur transfert vers le lait ou la viande.

* le bleu de Prusse est un produit qui piège le césium et facilite son élimination de l’organisme par les voies naturelles. L'administration d'argiles à la ration alimentaire du bétail donne également de bons résultats.

Les fruits et légumes sont-ils toujours interdits à la consommation ?

Ceux dont le niveau de contamination dépasse les limites autorisées sont toujours interdits à la consommation. Mais leur nombre a considérablement diminué et ne représente plus que 1 à 2 % de la production. Tout dépend du niveau de contamination des terres sur lesquelles poussent les végétaux et de la manière dont les cultures concentrent les radioéléments (dans les racines, dans les feuilles...). Par exemple, les champignons concentrent fortement le césium et sont, de ce fait, particulièrement surveillés, mais il faudrait en manger des kilos pour encourir le moindre risque sanitaire.

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Y a-t-il encore des traces des retombées de Tchernobyl sur le territoire français ?

Malgré une très faible contamination en France, bien inférieure à celle observée en Ukraine du fait de la dilution due à l’éloignement, ce phénomène peut expliquer les quelques taches de contamination plus importantes que la moyenne retrouvées dans certaines régions de France.

Pour une période de 60 ans, de 1986 à 2046, la dose individuelle reçue dans la zone la plus touchée (l'Est de la France) est inférieure à 1,5mSv, ce qui représente 1% de l'exposition naturelle durant le même temps. La seule année 1986 a contribué au tiers de cette dose.

Certaines zones (zones d’altitude et zones forestières) et certains produits (champignons, gibier, baies) présentent encore une radioactivité supérieure à la moyenne observée en France. Mais sur la majeure partie du territoire français, la contamination provenant des retombées de l’accident de Tchernobyl a décru au point qu’il est désormais de plus en plus difficile de la mesurer. La contamination par le césium 137 en France dans les " taches en peau de léopard " s'est située entre 3 000 et 6 000 Bq/m2 dans la région Est. Dans le Mercantour, elle a pu atteindre de façon très ponctuelle des valeurs plus élevées, jusqu'à 90 000 Bq/m2, cette dernière valeur restant tout à fait exceptionnelle (cuvette de ruissellement). Cependant ces zones sont de surface réduite et pour la plupart peu fréquentées hormis par les chasseurs et les randonneurs.

Rappelons que 90 000 Bq/m2 entraîne, au maximum, une irradiation externe inférieure à 1 mSv/an, dose limite qui est elle-même nettement inférieure aux variations de l’irradiation naturelle en France.

Un tas de sable marin de 1 m2 sur 15 cm de hauteur présente la même radioactivité de 90 000 Bq en potassium 40 naturel.)

Radioactivité naturelle et artificielle
L'être humain est soumis aux effets de la radioactivité naturelle qui représente environ 70% de la dose reçue en France et de l’irradiation artificielle pour 30% environ (90 % de l’irradiation artificielle est due aux examens médicaux, 1% à l’énergie nucléaire et 10% aux retombées atmosphériques : essais aériens des bombes pendant les années 1950 et 1960, Tchernobyl etc…). L'exposition au rayonnement naturel est en moyenne en France de 2,3 mSv par an. Elle est plus élevée en altitude (rayons cosmiques) et dans les régions granitiques comme la Bretagne, le Massif Central et les Vosges.

Que penser de la consommation de champignons cueillis dans les zones contaminées en France à la suite de Tchernobyl ?

La consommation de champignons comestibles cueillis dans les zones contaminées ne présente aucun danger. Actuellement, la radioactivité moyenne en césium 137 mesurée pour l’ensemble des champignons est de l’ordre de 100 Bq/kg., soit moins que la radioactivité naturelle de la pomme de terre, qui est d’environ 150 Bq/kg Les champignons concentrent de nombreux éléments chimiques et minéraux dont le potassium. Possédant une analogie chimique et structurale avec le potassium, le césium s’y concentre. Cette contamination est très variable d’une espèce à l’autre (15 à 5 000 Bq/kg frais), en raison des propriétés intrinsèques du champignon mais aussi en fonction du niveau de contamination initial du terrain.

Prenons le cas d’un champignon contaminé à hauteur de 1 000 Bq/kg : un individu qui en consommerait 10 kg s’exposerait à une dose de l’ordre 0,1 mSv, soit dix fois moins que la limite réglementaire d’exposition du public fixée à 1 mSv.

Pour mémoire : un séjour d'une semaine à 1 500m d'altitude représente 0,01mSv; un trajet Paris- New York à 11 000 m d'altitude : 0,03mSv; une radiographie pulmonaire : 0,7mSv, un examen radiologique au scanner 10 à 80 mSv

Qu’en est-il vraiment du sanglier des Vosges contaminé au Césium ? Est-il dangereux d'en consommer ?

Il est vrai que dans les Vosges, zone touchée par les retombées de Tchernobyl, on a trouvé des sangliers dont la viande avait une radioactivité légèrement inférieure à 2 000 Bq/kg. Chose peu surprenante, étant donné que le sanglier se nourrit en fouissant le sol où se situe la radioactivité.

La consommation occasionnelle de viande de sanglier, à ce niveau de radioactivité, n’entraîne aucune conséquence sanitaire. En effet, il faudrait manger 40 kg de viande de sanglier par an pour atteindre la limite de 1 mSv.

Peut-on consommer des produits en provenance des pays de l’Est ?

Oui, car les produits en provenance des pays de l'Est font l'objet d'une surveillance toute particulière.

En effet, l’ensemble des produits de consommation courante sont soumis à des contrôles permanents de la part des autorités françaises chargées du contrôle sanitaire, et la limite d’activité pour les produits alimentaires en provenance des pays hors de la Communauté Européenne est fixée en France à 670 Bq/kg, en application des mesures communautaires prises après l’accident de Tchernobyl, soit une valeur plus restrictive que la limite intra-communautaire, fixée à 1 000 Bq/kg.

Rappelons que l'alimentation nous apporte chaque jour environ 200Bq correspondant aux radioéléments naturels présents dans toutes les denrées alimentaires végétales et animales.

Les faibles doses

Conclusions de la conférence de Warrenton
En 1999, une centaine de spécialistes de radiobiologie et radioprotection parmi les plus éminents, dont le Président de la CIPR et le Directeur de l'UNSCEAR se sont réunis à Warrenton, près de Washington. Leur objectif : rechercher comment introduire, dans la réglementation de la radioprotection, les dernières données scientifiques disponibles pour préserver ou améliorer la protection du public et des travailleurs et limiter les contraintes inhérentes aux normes. Leurs principales conclusions ont été approuvées à la quasi-unanimité:

~
La dose la plus faible pour laquelle chez l'adulte un risque statistique significatif a été observé est d'environ 100 mSv.

~ Les effets des doses égales ou inférieures à 1 mSv ne peuvent pas être discernés du bruit de fond des risques sanitaires
.

~ Toute dose doit être comparée à la dose de rayonnement naturel. Celle-ci est en moyenne de 2,5 mSv/an, mais varie entre 1,5 et 6 mSv et atteint dans de vastes régions du monde 30, voire 100 mSv/an (au Kérala ou en Iran par exemple). Les recherches épidémiologiques* sur les populations exposées à de fortes doses de rayonnements naturels sont d'ailleurs spécifiquement recommandées car il faudrait conforter les résultats actuels qui n'ont pas détecté d'augmentation de la fréquence des cancers ou des malformations congénitales dans ces régions.

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Les conséquences sanitaires

L'accident de Tchernobyl, par les grandes quantités de produits radioactifs rejetés dans l'environnement, a eu un impact important du point de vue sanitaire. Trois catégories de personnes ont été directement concernées par l’accident : le personnel d’exploitation et d’intervention en urgence, les personnes chargées du nettoyage du site encore appelés « liquidateurs » et les habitants autour de la centrale.

30 employés de la centrale ou pompiers directement impliqués dans la prise en charge de l’accident sont décédés, en quelques jours ou semaines, des suites d’une forte et directe irradiation.

116 000 personnes de la zone proche du réacteur qui ont subi les retombées du panache ont dû être évacuées.

220 000 personnes de Biélorussie, Fédération Russe et Ukraine ont dû être relogées.

Il est apparu environ 2000 cancers de la thyroïde, chez les enfants habitant les territoires contaminés. En revanche, la fréquence des leucémies et des autres cancers n’a pas augmenté. Cependant, beaucoup de personnes restent angoissées et continuent à craindre des effets sanitaires, d’autant que l’information passe mal et que les rumeurs pessimistes circulent, comme toujours dans de telles situations. Cette crainte n'épargne pas les populations peu exposées aux retombées de Tchernobyl.

De nombreuses études concernant les conséquences sur la santé des groupes de population les plus exposés ont été réalisées par les pays de l’ex-URSS ou dans le cadre de collaborations internationales avec les Biélorusses, Russes et Ukrainiens, sous l’égide de l’ONU, de l’UE, des USA, du Japon,... L’UNSCEAR* en a réalisé une synthèse. Les principales conclusions sont les suivantes

:« Excepté une augmentation substantielle des cancers de la thyroïde observée chez les enfants en Biélorussie, Russie et Ukraine... aucune augmentation des cancers ou de la mortalité pouvant être associée à l’irradiation n’a été observée. Aucune augmentation du risque de leucémie, un des indicateurs les plus sensibles de l’irradiation, n’a été constatée, même chez les « liquidateurs » ou les enfants. Il n’existe aucune preuve scientifique d’une augmentation d’autres conséquences pathologiques imputables aux rayonnements ionisants ».

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En Ukraine, Biélorussie et Fédération de Russie

Quelles ont été les conséquences pour le personnel d'exploitation et d'intervention ?

Parmi les personnes présentes sur le site de Tchernobyl au moment de l'accident ou peu après (600 travailleurs intervenus en urgence : employés de la centrale ou pompiers), 30 sont décédées en quelques jours ou semaines, puis 11 entre 1987 et 1998. Parmi ces 11 personnes, trois ont développé des tumeurs attribuables à l’irradiation, les autres sont décédées de maladies sans relation évidente avec l’irradiation. Parmi les survivants, les principaux troubles sont des ulcérations cutanées consécutives aux brûlures provoquées par les radiations, des cataractes et des dysfonctionnements du système immunitaire.

Quelles ont été les conséquences pour les personnes chargées du nettoyage du site ?

L'UNSCEAR a attentivement analysé les nombreuses études faites sur le groupe des 600 000 personnes chargées du nettoyage du site*. Elle conclut qu’il n'y a pas de risque accru de leucémie en relation avec l'accident pour ce groupe de personnes. Cette même conclusion globale s'applique pour tous les autres cancers, y compris ceux de la thyroïde. Cependant, on ne peut formellement exclure, même si cette éventualité est improbable, le risque d'apparition ultérieure de certains cancers dus à l'irradiation, pour lesquels les temps de latence peuvent être de plusieurs dizaines d'années. Les estimations de doses reçues par ces personnes figurent dans un registre établi en 1986. La dose moyenne estimée est de 170 mSv en 1986, et décroît jusqu'à 1,5 mSv en 1989. Mais, ces valeurs comportent des incertitudes et des variations notables selon les sujets.

*Egalement appelés « liquidateurs », il s’agit essentiellement d’hommes du contingent, chargés des opérations de nettoyage du site (décontamination du site, construction du sarcophage, ...), dans les semaines et les mois qui ont suivi l’accident, jusqu'en 1990.

Quelles ont été les conséquences pour la population ?

Aucune augmentation du taux de cancers n’a été mise en évidence, excepté une forte augmentation des cancers de la thyroïde, observée depuis 1991, chez les enfants qui avaient moins de 15 ans au moment de l’accident, d'abord en Biélorussie, puis en Ukraine. Un excès de cancers de ce type a également été signalé dans le Sud de la Russie, mais dans une mesure moindre. On n’a pas observé d’augmentation des cancers de la thyroïde chez les enfants conçus après l’accident. A la fin de l'année 1998, le nombre total dépassait les 1 800 cas, mais sans augmentation de la fréquence annuelle.

Parmi tous les enfants atteints, le nombre de décès atteindrait une dizaine, en raison d'un dépistage et d'un traitement tardif. En effet, le cancer de la thyroïde se traite bien lorsqu'il est détecté et soigné à temps. Une protection efficace aurait pu être obtenue, tout de suite après l'accident, par l’ingestion de comprimés d'iode stable ( non radioactif) qui sature la thyroïde et empêche ainsi l'iode radioactif de se fixer. Malheureusement, il n'y a pas eu de distribution dans de nombreuses régions fortement contaminées. Cette mesure, associée à des mesures simples de confinement et de restrictions alimentaires, aurait pu réduire considérablement les doses reçues au niveau de la thyroïde.

On peut à cet égard citer le cas de la Pologne, où 18 millions de doses d’iode ont été distribués rapidement. De ce fait, aucune augmentation des cancers de la thyroïde n’y a été mise en évidence.

Le taux de maladies observées parmi les populations déplacées a augmenté, comme c'est toujours le cas pour les personnes déplacées, quel qu'en soit le motif : on constate une augmentation des maladies cardio-vasculaires ou de l’appareil digestif ou encore des troubles psychologiques. Le taux de mortalité par accidents ou suicides chez certains groupes de travailleurs s’est accru. On considère que ces effets sont une des conséquences indirectes de l’accident. S’ils ne sont pas directement imputables à l’irradiation, ils sont liés aux changements d’environnement, de mode de vie et de régime alimentaire, à l’interdiction de retourner dans son ancienne demeure, à l'angoisse provoquée par toutes les rumeurs... Rappelons qu'on observe après toute catastrophe naturelle, guerre ou événement grave, une altération de la santé physique et psychique des personnes «déplacées».

Estimations des doses reçues par la population

Dans la population évacuée, la dose reçue par la thyroïde, (due essentiellement à l'iode radioactif), cumulée sur la vie entière, est estimée en moyenne à 0,17 Sv, mais la dose est beaucoup plus élevée pour les jeunes enfants dont le métabolisme est plus actif, et atteint 2 Sv en moyenne pour les enfants de moins d'un an au moment de l’accident.

Chez les habitants des zones contaminées, les doses reçues par la thyroïde des jeunes enfants sont estimées supérieures à 1 Sv. Les doses moyennes reçues par la thyroïde sont estimées à environ 0,2 Sv, avec une amplitude de variation d'un facteur 100 au-dessus et au-dessous de cette valeur.

Pour les autres radioéléments, notamment le césium 134 et le césium 137, la dose corporelle moyenne reçue par les habitants des régions contaminées est estimée en moyenne à 8,2 mSv sur les 10 premières années et à 12 mSv sur la vie entière, mais ces chiffres recouvrent une très large dispersion.

Ne va-t-on pas voir, dans les années à venir, le développement de nouveaux cas de cancers de la thyroïde ?

La fréquence du cancer de la thyroïde continue de s'accroître pour les jeunes enfants qui avaient moins de cinq ans à cette époque.(bilan UNSCEAR).Cependant, ce risque se stabilise pour les enfants âgés de plus de 10 ans en 1986.

Qu’en est-il des autres cancers ?

Selon l'UNSCEAR, il n'y a pas d'augmentation d’autres types de cancer, en dehors de celui de la thyroïde, même chez les populations les plus exposées. Toutefois, compte tenu du temps de latence de certains cancers, il n'est pas impossible d’en voir ultérieurement, bien que nous ayons déjà 15 ans de recul.

Qu'en est-il des cas de leucémies dans l'ex-URSS ?

Les différentes études qui ont pu être menées à ce jour ne montrent pas d'augmentation du nombre de cas de leucémie par rapport à la période avant l'accident, y compris dans les zones les plus contaminées.

Il paraît que le nombre d'enfants anormaux a augmenté. Que doit-on en penser ?

A la naissance, il existe une proportion « naturelle » d’enfants porteurs d'une anomalie congénitale : 2 à 5 % des enfants. On ne pourrait parler de malformations congénitales dues à l'accident de Tchernobyl qu'en cas d'augmentation de cette proportion. Or, une analyse des données des deux principaux hôpitaux de Kiev n'a pas montré de modification du nombre des fausses-couches, malformations ou morts périnatales. Une autre étude sur environ 4 500 enfants nés dans l'année qui a suivi l'accident, n'a pas observé d'augmentation de la fréquence des retards mentaux qui puisse être liée à l'exposition aux radiations. Par ailleurs, dans les six mois suivant l'accident, une centaine d'enfants sont nés de femmes évacuées d'Ukraine. Aucune malformation n'a été observée parmi eux.

Une analyse des données du registre biélorusse de malformations congénitales (créé en 1979) a montré qu'entre 1979 et 1991, le nombre de toutes les malformations avait augmenté, à la fois dans les zones contaminées et non contaminées. Cette analyse montre également que cette augmentation a débuté avant 1986. Dans la mesure où seuls certains types de malformations sont susceptibles d'être la conséquence de l'exposition à l'irradiation in utero, il est donc peu probable que ce phénomène soit imputable aux radiations. La surveillance se poursuit dans les régions contaminées, et des efforts sont faits, avec l'aide de chercheurs étrangers, pour améliorer la qualité des données et affiner la méthodologie d'analyse. Par ailleurs, on sait qu’aucune augmentation des anomalies n'a été observée chez les enfants dont la mère avait subi avant sa grossesse une irradiation par de fortes doses d'iode 131 pour traitement d'un cancer thyroïdien.

Une augmentation du nombre des interruptions volontaires de grossesse, dans les mois qui ont suivi l'accident de Tchernobyl, a été observée dans les populations d'Ukraine, de Biélorussie, et de Russie, mais aussi dans de nombreux autres pays européens (Italie, Suède, Danemark, Norvège, Hongrie, Grèce…). Les statistiques ultérieures ont montré dans ces pays une diminution du nombre des conceptions, ainsi qu'une augmentation de la demande en matière de dépistage prénatal des malformations. Ces faits traduisent l’angoisse des femmes qui ont souhaité une interruption de grossesse de peur de donner naissance à un enfant anormal. On estime à 100 000 le déficit de naissance en Europe centrale et Nordique. Si ce phénomène s'est rapidement estompé en Europe de l'Ouest, le nombre des naissances n'a cessé de diminuer au cours des années 90 en Ukraine et en Biélorussie.

Le nombre annuel des naissances a ainsi été pratiquement divisé par deux en quinze ans dans ces deux républiques. L'explication avancée est celle d'une anxiété générale de la population, liée au déplacement de ces personnes, et à la crise économique autant qu'à une peur de la pollution de l'environnement, qu'elle soit nucléaire ou d'autres sources.

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En France

Quelles ont été les doses reçues par la population ?

Pendant les 60 ans qui vont suivre l'accident, les Français recevront une dose moyenne de 1,5 mSv, ce qui représente 1 % de la dose due à la radioactivité naturelle qui atteint environ 150 mSv, reçue par l’organisme entier, durant la même période. Ces doses sont dues à l'iode 131 fixé par la thyroïde dans le premier mois suivant l'accident et à l'exposition au Césium ensuite.

En ce qui concerne la France, les zones les plus touchées par les retombées ont été les départements de l'Est, la Région Rhône-Alpes ainsi que la Corse. Pour ces régions, des estimations de dose reçue par la thyroïde ont été effectuées (IPSN / InVS) ; les résultats sont de 2 mSv pour le nourrisson, 10 mSv pour l'enfant de 1 an, 6 mSv pour l'enfant de cinq ans et 3 mSv pour l'enfant de dix ans, valeurs établies à partir d'une estimation de 45 000 Bq/m2 pour les dépôts d'Iode 131 sur les surfaces agricoles.

Cette dose a été cinq à dix fois plus faible chez les adultes.

En moyenne, les doses les plus importantes reçues en France ont été 1 000 fois plus faibles que celles des populations évacuées en ex-URSS.

La limite réglementaire annuelle est de 1 mSv par an pour le public, pour l’organisme entier, pour une exposition due aux activités humaines, qui s'ajoute aux effets naturels. Avec cette limite, le niveau de risque est du même ordre de grandeur que celui provoqué par la radioactivité naturelle pour laquelle, jusqu’à présent, aucun risque accru de cancer ou d’effet génétique n’a été démontré malgré des variations importantes d'une région à l'autre en France (1,5 à 6,5 mSv/an) et dans le monde (1,5 à 100 mSv/an)

On a enregistré une augmentation des cancers de la thyroïde en France; ne sont-ils pas la preuve de l'effet Tchernobyl dans notre pays ?

On observe depuis 1975, soit bien avant l’accident de Tchernobyl, une augmentation régulière des cancers de la thyroïde en France. Plusieurs arguments permettent de dire que cette augmentation ne peut pas être attribuée à l’accident de Tchernobyl. En effet :

Cette augmentation a été observée bien avant l’accident,

La même augmentation a été observée dans des zones non touchées par le nuage de Tchernobyl, comme aux USA par exemple

Elle touche autant les adultes, pourtant moins sensibles aux rayonnements ionisants, que les enfants.

Elle semble être la conséquence d'un meilleur dépistage, de l’amélioration des techniques de détection et des pratiques médicales, en particulier grâce à l'introduction de l'échographie pour l'exploration thyroïdienne. C’est d’ailleurs l’explication donnée par le réseau FRANCIM ( réseau constitué par l’ensemble de 13 registres de cancers en France sous l’égide du Ministère de la Santé) qui constate l’augmentation d’autres types de cancers comme celui de la prostate qui n’est pas un cancer provoqué par les rayonnements ionisants.

Il est à noter que le cancer de la thyroïde reste un cancer rare (3 à 5 cas pour 100 000 habitants et par an). Il représente environ 1 % de l'ensemble des cancers. Chez l'enfant, l'incidence de cette maladie est encore plus rare puisque comprise entre 0,2 et 3 cas par million d'enfants.

Cette pathologie est surveillée par des registres spécifiques qui se sont développés dans une dizaine de départements. Grâce au registre des cancers mis en place en 1966, en Champagne-Ardenne, on dispose d'une étude épidémiologique du cancer thyroïdien. L'étude porte sur 5 départements et 2 millions d'habitants, dans une zone où les retombées de Tchernobyl ont été les plus importantes sur le territoire français.

Les résultats montrent que le nombre de cancers décelés chez l'enfant, ayant moins de 15 ans au moment du diagnostic, n'a absolument pas varié depuis 1986 (0 ou 1 cas par an).

Peut-on attribuer aux conséquences de Tchernobyl des cas de leucémies en France ?

Aucun excès de leucémie en France ne peut être attribué à l’accident de Tchernobyl.

En Europe occidentale, le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) a mis en place une étude visant à surveiller l'apparition des leucémies chez les enfants. Cette étude conclut à l'absence d'excès de leucémies attribuables à l'accident de Tchernobyl. Menée sur la période 1980-1997, cette étude repose sur 36 registres de 23 pays dont 6 sont basés en France (Isère, Bas-Rhin, Doubs, Lorraine, Provence Alpes Côte d'Azur – Corse, Côte d'or). Une première publication est parue en 1996. De plus, les résultats obtenus dans l'ex-URSS où les niveaux de contamination ont été nettement supérieurs confortent cette analyse dans la mesure où aucune augmentation de la fréquence des leucémies n’y a été observé parmi les populations les plus exposées. D'autres études sont en cours.

L’épidémiologie

Elle étudie la fréquence et la répartition des problèmes de santé dans les populations humaines, ainsi que le rôle des causes qui les déterminent. Pour cela, elle calcule le rapport du nombre de personnes présentant une affection à l’effectif de la population étudiée. Ces données sont utilisées pour étudier la fréquence des problèmes et leur évolution dans le temps en fonction des caractéristiques des personnes et de leur répartition géographique. Elle recherche également les causes des problèmes de santé en étudiant le rôle de l’exposition à des facteurs susceptibles d’intervenir dans l’apparition de maladies.

Dans le domaine particulier de la connaissance des effets biologiques des rayonnements ionisants, l’épidémiologie est indispensable mais se heurte à plusieurs difficultés :
Plus la dose est faible, plus le risque, si tant est qu’il existe, est réduit et plus l’effectif de la population à étudier doit être important,

La période de latence des cancers dus aux rayonnements ionisants est longue, au moins deux ans pour les leucémies, cinq à dix ans ou plus pour les autres cancers,

La mortalité naturelle par cancer est élevée (environ 28 % des causes de décès en France) et les cancers dus aux rayonnements ionisants ne se différencient en rien des cancers naturels,

Enfin, il existe de nombreux autres agents cancérogènes (tabac, facteurs alimentaires, alcool, benzène et pesticides) dont l’influence est importante.

La mise en évidence d'un effet des rayonnements ionisants nécessite donc une méthodologie très rigoureuse.

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Glossaire

CIPR

Commission Internationale de Protection Radiologique. Organisme international chargé d'énoncer les recommandations en matière de réglementation.

CIRC

Centre International de Recherche sur le Cancer

FRANCIM

Réseau constitué par l'ensemble de 13 registres de cancers en France sous l'égide du Ministère de la Santé

InVS

Institut National de Veille Sanitaire

IPSN

Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire

OPRI

Office de Protection contre les Rayonnements Ionisants. Dépendant du Ministère de l'Emploi et de la Solidarité chargé de la Santé, il vérifie que les mesures concernant les rejets radioactifs des centrales sont respectées et surveille le réseau de radioactivité ambiante sur l'ensemble du territoire.

RBMK

Réacteur à eau bouillante avec du graphite comme modérateur. L'un des types de réacteur mis au point par les soviétiques.

REP

Réacteur à eau sous pression. Type de réacteur exploité en France

SCPRI

Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants (remplacé aujourd’hui par l’OPRI)

UNSCEAR

United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiations

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Références bibliographiques

FLURY-HERARD M.A. Tchernobyl. Le bilan de l'UNSCEAR 14 ans après l'accident. (Colloque " Nucléaire et santé. Actualités " Paris (France), 25/01/2001). SFRO, 2001, 20-25, 6 p.

SCHVARTZ M.C. Incidences de cancers de la thyroïde en Champagne-Ardennes depuis 1970. Données moléculaires et dosimétriques. (Colloque " Nucléaire et santé. Actualités " Paris (France), 25/01/2001). SFRO, 2001, 26-29, 4 p.

VERGER P., CHERIE CHALLINE L., IPSN, InVS. Evaluation des conséquences sanitaires de l'accident de Tchernobyl en France. Dispositif de surveillance épidémiologique, état des connaissances, évaluation des risques et perspectives. Synthèse du rapport. IPSN, 12/2000, IPSN/00-15b, 16 p.

VERGER P., CHERIE CHALLINE L., IPSN, InVS. Evaluation des conséquences sanitaires de l'accident de Tchernobyl en France. Dispositif de surveillance épidémiologique, état des connaissances, évaluation des risques et perspectives. IPSN, 12/2000, IPSN/00-15a, 75 p.

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IPSN.Tchernobyl, 14 ans après. Dossier de presse. IPSN, 04/2000, 52 p.

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RENAUD P., BEAUGELIN K., MAUBERT H., LEDENVIC P. Les retombées en France de l'accident de Tchernobyl. Conséquences radioécologiques et dosimétriques. EDP Sciences, 03/1999, 146 p.

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CCE. Atlas of caesium deposition on Europe after the Chernobyl accident. CCE, 1998, 176 p.

AEN. Tchernobyl. Dix ans déjà. Impact radiologique et sanitaire. OCDE, 1996, 118p.

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ANNEXE 1

Les Effets de Tchernobyl

Traduction d’une lettre du Président de l’UNSCEAR publiée dans The Lancet, Vol. 356,

p. 344, 22 juillet 2000.

Monsieur – Dans l’article du 6 mai de Clare Kapp un rapport de l’Office pour la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies (OCHA) intitulé « Chernobyl – a continuing (and forgotten) catastrophe » a été cité. Ce rapport est rempli de déclarations non prouvées et non fondées sur des analyses scientifiques. Je voudrais attirer votre attention sur les conclusions du Comité Scientifique de l’ONU sur des Effets des Radiations Atomiques (UNSCEAR), qui vient de clore sa 49ème session à Vienne. L’UNSCEAR est un des organismes des Nations Unies et a été chargé par l’Assemblée Générale de faire un rapport sur les doses de radiations ionisantes et les effets sanitaires entraînés par les conséquences radiobiologiques de l’accident de Tchernobyl. L’UNSCEAR vient d’adopter son rapport 2000, destiné à l’Assemblée Générale, qui inclut des annexes scientifiques, dont une est spécifiquement consacrée à l’évaluation des conséquences radiobiologiques de l’accident de Tchernobyl.

L’accident nucléaire de Tchernobyl en 1986 a provoqué la mort, dans une période de quelques jours ou semaines, de 30 travailleurs et des maladies dues aux radiations chez quelques centaines d’autres. L’accident a entraîné l’évacuation immédiate d’environ 116 000 personnes et le déplacement définitif d’environ 220 000. L’accident a eu des conséquences sociales et psychologiques, mais en dehors des 1 800 cancers thyroïdiens recensés chez des enfants ayant été exposés à un jeune âge, il apparaît 14 années après l’accident qu’il n’y a pas eu d’effets sanitaires publics majeurs attribuables à l’exposition aux radiations. On n’observe aucune augmentation de la fréquence des cancers en général ni des décès pouvant être liée à l’exposition aux radiations. Le risque de leucémie ne semble pas avoir augmenté, même parmi les centaines de milliers d’ouvriers chargés du nettoyage des sites contaminés. De plus il n’y a aucune donnée scientifique détectant de maladies bénignes liées à l’exposition aux radiations.

En 1996, l’ONU, UNSCEAR, « the United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization (UNESCO), the United Nations Environment Programme (UNEP), and the Food and Agricultural Association of the United Nations (FAO) », ainsi que l’OMS, l’Agence International de l’Energie Atomique, et l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economique, ont participé à l’organisation de la conférence internationale – 10 ans après Tchernobyl. Le rapport UNSCEAR 2000 a remis à jour les conclusions de cette conférence et a confirmé ses conclusions.

Le rapport OCHA déclare que « très peu est connu sur les effets sanitaires à long terme de l’exposition aux radiations car c’est un phénomène relativement récent ». Cette déclaration est inexacte. Les effets des radiations sont, en pratique, beaucoup mieux connus que ceux de n’importe quel autre carcinogène et les effets sanitaires provoqués par les radiations sont fondés sur de nombreux documents. Depuis sa création en 1955, UNSCEAR a envoyé tous les ans à l’Assemblée Générale un rapport sur les risques sanitaires et environnementaux liés à l’exposition aux radiations. Tous les 4 ou 5 ans, le Comité soumet aussi des rapports à l’Assemblée Générale avec des annexes scientifiques détaillées. L’organisation des Nations Unies reçoit donc régulièrement depuis 45 ans des informations scientifiques concernant les doses et les effets des radiations.

Lars-Erik Holm

Directeur de Swedish Radiation Protection Institute

Président de l’UNSCEAR

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SOURCES ET EFFETS DES RAYONNEMENTS IONISANTS

CONCLUSIONS du Comité scientifique des Nations Unies pour l'étude des effets des rayonnements atomiques Rapport UNSCEAR 2000 à l'Assemblée Générale Vol II

L’accident du 26 avril 1986 à la centrale nucléaire de Tchernobyl, située en Ukraine, à environ 20 km au sud de la frontière avec le Bélarus, est l’accident le plus grave que l’industrie nucléaire ait jamais connu. Il a entraîné la mort, dans les jours ou les semaines qui ont suivi, de 30 employés de la centrale et de pompiers (dont 28 souffraient du syndrome aigu d'irradiation), et était à l’origine, en 1986, de l’évacuation d’environ 116 000 personnes des régions voisines du réacteur, ainsi que du déplacement, après 1986, d’environ 220 000 personnes du Bélarus, de la Fédération de Russie et de l’Ukraine. D’importants territoires de ces trois pays (à l’époque, républiques de l’Union Soviétique) ont été contaminés et des traces de dépôts de radionucléides relâchés étaient mesurables dans tous les pays de l’hémisphère nord. Dans la présente annexe, l’irradiation des groupes de population les plus fortement touchés par l’accident a été étudiée en détail et les conséquences sur la santé, qui sont ou qui pourraient être liées à cette irradiation, ont été prises en considération.

Les populations étudiées …sont les ouvriers engagés dans les travaux d’atténuation des effets de l’accident, soit pendant l’accident lui-même (ouvriers de secours) ou après l’accident (ouvriers de recouvrement) et le public qui a été évacué afin d’éviter des irradiations excessives ou qui vit toujours dans les régions contaminées. Ces régions, qui sont définies comme étant les régions dans lesquelles la densité moyenne des dépôts de Cs 137 sur le sol dépassait 37 kBq m-2 (1 Ci km-2), se trouvent principalement au Bélarus, dans la Fédération de Russie et en Ukraine. De nombreuses mesures des rayonnements (dosifilms, DTL, anthroporadiamétrie, mesures de la radioactivité de la thyroïde, etc.) ont été réalisées pour évaluer l’exposition des groupes de population considérés.

Les quelque 600 ouvriers de secours qui étaient présents sur le site de la centrale de Tchernobyl pendant la nuit de l’accident ont absorbé les plus hautes doses. Les irradiations les plus importantes étaient dues à une irradiation externe (irradiation gamma relativement uniforme du corps entier et irradiation bêta de surfaces importantes du corps), étant donné que l’absorption de radionucléides par inhalation était relativement faible (sauf pour deux cas). Un syndrome aigu d'irradiation a été confirmé pour 134 de ces ouvriers de secours. Quarante et un patients ont absorbé des doses totales d’irradiation extérieure inférieures à 2,1 Gy. Quatre-vingt-treize patients ont absorbé des doses plus importantes et souffraient d’un syndrome aigu d'irradiation plus grave ; 50 personnes avec des doses variant entre 2,2 et 4,1 Gy, 22 avec des doses entre 4,2 et 6,4 Gy et 21 avec des doses entre 6,5 et 16 Gy. Les doses d’irradiation bêta à la peau, évaluées pour 8 patients souffrant du syndrome aigu d'irradiation, s’inscrivaient entre 400 et 500 Gy.

Environ 600 000 personnes (civiles et militaires) sont titulaires de certificats spéciaux confirmant leur statut de liquidateur (ouvriers de recouvrement), conformément aux lois promulguées au Bélarus, dans la Fédération de Russie et en Ukraine. Parmi ces personnes, environ 240 000 étaient des militaires. Les tâches principales réalisées par les ouvriers de recouvrement comprenaient la décontamination du bloc réacteur, du site du réacteur et des voies ainsi que la construction du sarcophage et d’une ville pour le personnel du réacteur. Ces tâches ont été achevées en 1990.

Un registre des ouvriers de recouvrement a été établi en 1986. Ce registre contient les estimations des doses effectives de l’irradiation externe, qui était la source prédominante d’irradiation pour les ouvriers de recouvrement. Les données de ce registre montrent que les doses moyennes enregistrées diminuaient d’année en année, d’environ 170 mSv en 1986, à 130 mSv en 1987, 30 mSv en 1988 et 15 mSv en 1989. Il est cependant difficile d’estimer la validité des résultats signalés car différents organismes ont utilisé différents dosimètres sans procéder à un étalonnage corrélatif, un grand nombre des doses enregistrées était très proche de la dose limite et il y avait un nombre important de valeurs arrondies telles que 0,1, 0,2 ou 0,5 Sv. Il semble toutefois raisonnable de supposer que la dose effective moyenne d’irradiation gamma extérieure absorbée par les ouvriers de recouvrement pendant les années 1986 - 1987 était d’environ 100 mSv.

Les doses absorbées par le grand public provenaient des radionucléides échappés du réacteur endommagé et qui ont entraîné la contamination des sols dans de vastes régions. Les radionucléides se sont principalement échappés pendant une période de 10 jours, à des taux d’échappement variables. D’un point de vue radiologique, les fuites de I 131 et de Cs 137, estimées à 1 760 et 85 PBq, sont les plus importantes. L’iode 131 représentait la contribution la plus importante aux doses absorbées par la thyroïde, ‘’intégrées’’ principalement par irradiation interne au cours des quelques semaines qui ont suivi l’accident, alors que le Cs 137 était, et demeure, la contribution principale des doses absorbées par les autres organes et tissus, soit par irradiation interne ou par irradiation externe, qui continuera d’être absorbé, à des faibles débits de dose, pendant plusieurs décennies.

Les 3 principales régions contaminées, définies comme étant les régions avec une densité de dépôt supérieure à 37 kBq m-2 (1 Ci km-2), se situent au Bélarus, dans la Fédération de Russie et en Ukraine et sont désignées par Centrale, Gomel-Moguilev-Briansk et Kalouga-Toula-Orel. La région centrale s’étend sur environ 100 km autour du réacteur, principalement vers l’ouest et le nord-ouest. La région contaminée de Gomel-Moguilev-Briansk se situe à 200 km au nord nord-est du réacteur à la frontière des régions de Gomel et de Moguilev au Bélarus et de la région de Briansk dans la Fédération de Russie. La région de Kalouga-Toula-Orel appartient à la Fédération de Russie, et se situe à environ 500 km au nord-est du réacteur. Environ 150 000 km2 de territoire de l’ex-Union Soviétique ont été contaminés avec une densité de dépôt de Cs 137 supérieure à 37 kBq m-2. Ces territoires sont peuplés d’une population d’environ cinq millions de personnes.

Dans les quelques semaines qui ont suivi l’accident, plus de 100 000 personnes ont été évacuées des régions les plus contaminées d’Ukraine et du Bélarus. Les doses thyroïdiennes absorbées par les évacués variaient en fonction de leur âge, de leur lieu de résidence, de leurs habitudes alimentaires et de la date d’évacuation. Pour les habitants de Pripyat par exemple, qui ont principalement été évacués dans les 48 heures après l’accident, la dose thyroïdienne moyenne pondérée sur la population est estimée à 0,17 Gy et varie entre 0,07 Gy pour les adultes et 2 Gy pour les enfants. Pour toute la population d’évacués, la dose thyroïdienne moyenne pondérée sur la population est estimée à 0,47 Gy. Les doses absorbées par d’autres organes et tissus que la thyroïde étaient, en moyenne, beaucoup plus faibles.

Les doses thyroïdiennes ont également été estimées pour les habitants des régions contaminées qui n’ont pas été évacués. Dans chacune des trois républiques, les doses thyroïdiennes sont estimées avoir dépassé 1 Gy pour les enfants les plus exposés. Pour les habitants d’une localité donnée, les doses thyroïdiennes des adultes étaient environ 10 fois plus faibles que celles des enfants. La dose thyroïdienne moyenne était d’environ 0,2 Gy la variabilité de la dose thyroïdienne était de deux ordres de grandeur au-dessus et au-dessous de la moyenne.

Après les quelques premières semaines qui ont suivi l’accident, lorsque le I 131 constituait la contribution principale d’irradiation, les doses étaient absorbées à des débits beaucoup plus faibles de radionucléides avec des périodes beaucoup plus longues. Depuis 1987, les doses absorbées par les populations des régions contaminées provenaient principalement de l’irradiation externe des dépôts de Cs 134 et de Cs 137 sur les sols et de l’irradiation interne due à la contamination des aliments au Cs 134 et au Cs 137. D’autres contributions, généralement mineures, aux irradiations à long terme comprennent la consommation d’aliments contaminés au Sr 90 et l’inhalation d’aérosols contenant des isotopes de plutonium. L’irradiation externe et l’irradiation interne dues au Cs 134 et au Cs 137 sont à l’origine de doses relativement uniformes dans tous les organes et tissus du corps. La dose effective moyenne de Cs 134 et de Cs 137 absorbée par les habitants des régions contaminées au cours des 10 premières années après l’accident est estimée à environ 10 mSv.

Les documents actuellement à la disposition du Comité pour revue et qui concernent l’évaluation des effets de l’accident de Tchernobyl sur la santé ont fréquemment souffert de carences méthodologiques qui peuvent les rendre difficile à interpréter. Ces carences comprennent des diagnostics et des classifications inappropriés des maladies, la sélection de groupes témoins ou de référence inappropriés (particulièrement des groupes témoins présentant une répartition des maladies différente de celle des groupes exposés), des estimations inappropriées des doses d’irradiation ou l’absence de données individuelles, ainsi que le fait que le dépistage et l’augmentation de la surveillance médicale ne soient pas pris en considération. L’interprétation des études est compliquée, et une attention toute particulière doit être accordée à la conception et aux performances des études épidémiologiques.

Excepté une augmentation substantielle au Bélarus, dans la Fédération de Russie et en Ukraine des cancers de la thyroïde observée chez les enfants après une irradiation, il n’existe, 14 ans après l’accident de Tchernobyl, aucune preuve d’un impact majeur des rayonnements ionisants sur la santé publique. Aucune augmentation de l’incidence globale des cancers ou de la mortalité pouvant être associée à l’irradiation n’a été observée. Pour certains cancers, aucune augmentation ne serait attendue, étant donné la période de latence d’environ 10 ans pour les tumeurs solides. Aucun risque élevé de leucémie, un des indicateurs les plus sensibles de l’irradiation, n’a été constaté, même chez les ouvriers de recouvrement ou les enfants. Il n’existe aucune preuve scientifique d’une augmentation d’autres troubles bénins associés aux rayonnements ionisants.

Le nombre important de cancers de la thyroïde chez les individus exposés pendant leur enfance, notamment dans les régions fortement contaminées des trois pays concernés, et la courte période d’induction sont sensiblement différents des expériences acquises lors d’autres accidents ou situations d’irradiation. D’autres facteurs, comme des carences en iode et le dépistage, ont certainement une incidence sur le risque. Peu d’études ont traité ces problèmes, mais celles qui l’ont fait constatent toujours une influence significative de l’irradiation après avoir pris en compte les influences parasites. Les résultats les plus récents indiquent que le risque de cancer de la thyroïde chez les personnes âgées de plus de 10 ans au moment de l’accident se stabilise, le risque semble diminuer depuis 1995 chez les personnes âgées de 5 à 9 ans au moment de l’accident, alors que l’augmentation se poursuit pour ceux qui étaient âgés moins de 5 ans en 1986.

Il y a une tendance à attribuer les augmentations des taux de cancer (autre que le cancer de la thyroïde) à l’accident de Tchernobyl, mais il est à noter que, dans les régions affectées, ces augmentations étaient déjà observées avant l’accident. De plus, une augmentation générale de la mortalité a été signalée ces dernières années dans la plupart des régions de l’ex-URSS, et ce fait doit également être pris en considération lors de l’interprétation des résultats des études sur Tchernobyl. En raison de ces incertitudes et d’autres encore, il est nécessaire de mener des études analytiques bien conçues et fiables, notamment pour ce qui concerne les ouvriers de recouvrement provenant du Bélarus, de la Fédération de Russie, de l’Ukraine et des pays baltes, en accordant une attention toute particulière à la reconstruction des doses individuelles et à l’effet du dépistage et à d’autres facteurs parasites envisageables.

Des augmentations du nombre des effets non spécifiques préjudiciables à la santé, autres que les cancers, chez les ouvriers de recouvrement ont été signalées, par exemple une augmentation des taux de suicide et des décès dus à des causes violentes. Il est difficile d’interpréter ces résultats sans s’appuyer sur une référence connue ou une incidence de fond. Les populations exposées font l’objet d’un suivi médical beaucoup plus intensif et actif que le reste de la population. Il en résulte qu’il n’est pas approprié d’utiliser la population générale comme groupe de comparaison comme cela a été fait jusqu’à présent dans la plupart des études.

Le fait d’ajouter de l’iode à l’alimentation des populations vivant dans des régions souffrant de carences en iode et d’assurer un dépistage au sein des groupes à haut risque pourrait limiter les conséquences radiologiques. La plupart des données suggèrent que le groupe d’âge le plus jeune, c’est-à-dire les personnes qui avaient moins de cinq ans au moment de l’accident, demeure exposé à un risque plus élevé de développement d’un cancer de la thyroïde et qu’il convient de le surveiller étroitement. En dépit du fait que de nombreux cancers de la thyroïde chez les enfants sont décelés à des phases plus avancées en termes d’agressivité locale et de métastases distantes que chez les adultes, ils bénéficient d’un pronostic favorable. Il est nécessaire de poursuivre le suivi pour permettre la planification des actions de santé publique, acquérir une meilleure compréhension des facteurs d’influence, prévoir les retombées radioactives d’accidents futurs et garantir la prise de mesures de radioprotection appropriées.

Les connaissances actuelles en matière d’effets tardifs d’une exposition prolongée aux rayonnements ionisants sont limitées. Les estimations de dose-réponse s’appuient, en effet, principalement sur des études d’irradiations à des doses élevées ainsi que sur des expériences avec des animaux de laboratoire. L’accident de Tchernobyl pourrait toutefois faire toute la lumière sur les effets tardifs d’une exposition prolongée, mais étant donné les faibles doses absorbées par la majorité des individus exposés, les estimations des doses demeurant incertaines, toute augmentation d’incidence de cancer ou de mortalité serait certainement difficile à déceler dans le cadre d’études épidémiologiques. L’objectif principal est de différencier les effets des rayonnements ionisants des effets dus à de nombreuses autres causes chez la population exposée.

Hormis les cancers de la thyroïde associés aux rayonnements chez les personnes exposées dans leur enfance, le seul groupe ayant absorbé des doses suffisamment importantes pour éventuellement connaître une augmentation statistiquement détectable des risques sont les ouvriers de recouvrement. Des études de cette population peuvent contribuer aux connaissances scientifiques sur les effets tardifs des rayonnements ionisants. Un grand nombre de ces personnes font l’objet d’examens médicaux annuels, fournissant une base fiable pour de futures études du groupe. Il faut toutefois noter que, plus de 10 ans après l’accident, aucune augmentation du risque de leucémie, une entité connue pour apparaître dans les 2 à 3 ans qui suivent l’exposition, n’a été identifiée.

Le défi pour l’avenir consiste à fournir des estimations fiables des doses individuelles pour les sujets qui participent à des études épidémiologiques et à évaluer les effets des doses accumulées sur une période prolongée (des jours à des semaines pour l’irradiation de la thyroïde chez les enfants, des minutes à des mois pour les irradiations de la moelle osseuse des ouvriers de secours et de recouvrement et des mois à des années pour les irradiations du corps entier chez les habitants de régions contaminées). Ce travail doit prendre en considération les nombreuses difficultés existantes, telles que (a) le rôle des différents radionucléides, particulièrement pour l’iode radioactif de courte période ; (b) la précision des mesures directes de la thyroïde ; (c) la relation entre la contamination des sols et les doses thyroïdiennes et (d) la fiabilité des doses enregistrées ou reconstruites pour les ouvriers de secours et de recouvrement.

Il convient enfin d’insister sur le fait que bien que le risque pour les personnes exposées dans leur enfance et les ouvriers de secours et de recouvrement de souffrir des effets induits par l’irradiation soit plus élevé, la grande majorité de la population ne doit pas vivre dans la crainte réelle de conséquences sérieuses pour la santé suite à l’accident de Tchernobyl. La grande majorité de ces populations a été irradiée à des niveaux de rayonnement comparables ou supérieurs, de quelques ordres de grandeur, aux niveaux de rayonnement de fond naturel, et les irradiations futures diminuent avec la désintégration des radionucléides déposés. Des vies ont été bouleversées par l’accident de Tchernobyl, mais d’un point de vue radiologique, et en se fondant sur les estimations de la présente annexe, des prévisions généralement positives devraient prévaloir pour la santé future de la majorité des individus.

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